DES PIERRES JAILLISSAIENT LES FONTAINES. Liturgies rouergates

Ce livre n'est pas un exercice de nostalgie. Je ne souhaite nullement qu'on revienne vers une Eglise - celle de mon enfance entachée de tant de mesquineries, de tant d'étroitesses, et vers une morale où l'hypocrisie le disputait au dolorisme. Mais justement, ce qui nous sauvait de la bigoterie, de l'ennui, et de ce que certains n'ont pas hésité à appeler la névrose chrétienne, c'était la beauté de certains offices, la répétitivité de certains rites, la communion où chacun pouvait oublier les encombrantes sollicitations du Moi, pour s'alléger dans une célébration et fondre sa voix dans la musique du chœur. Certes, là aussi, on pouvait déplorer des fadeurs, des pleurnicheries. Le "Prends ma couronne, je te la donne" tendait furieusement à la guimauve, et le "catholique et français toujours" au pompiérisme. Mais, à côté de cela, l'éclatant credo des jours de fête, les impropères du Vendredi Saint, le lauda Sion de la Fête-Dieu, tant d'autres expressions de la ferveur chrétienne nous communiquaient des frissons qui n'avaient rien de romantique : ils nous projetaient tout simplement dans le monde de l'Ancien et du Nouveau Testament. Cette brèche, que la liturgie ouvrait dans nos vies ternes, rugueuses, voire à certaines heures franchement maussades, il me semble qu'elle peut encore la creuser de nos jours.