La maison assassinée
Magnan Pierre
DENOEL
Extrait
Monge était sur le qui-vive. Il faisait une de ces nuits qui vous commandent de veiller si l'on veut échapper aux mauvaises surprises ; une nuit où l'on retient son souffle, où tout peut arriver dans ces parages.
Monge venait de bouchonner aux écuries les chevaux de remonte du courrier de Gap, imbibés comme des serpillières. Il faudrait se lever à trois heures pour les nourrir car, à l'aube, ils seraient attelés en limoniers au haquet d'Embrun qui faisait les messageries.
Il venait aussi de pourvoir d'un pain de ménage et d'un saucisson, le dévoirant qui gîtait depuis tout à l'heure parmi les harnais, sur un tas de sacs des Postes. Celui-là, il était arrivé au crépuscule comme un cheveu sur la soupe : la canne enrubannée, pimpant comme un novi. Quoique trempé et le chapeau tromblon luisant d'eau, il avait crié : «Salut la compagnie !» à des gens qui écarquillaient des yeux démesurés, à force d'épier la pénombre. Monge l'avait mené aux écuries séance tenante.
Le maître roulier suspendit sa limousine derrière la porte et il contempla son monde avec ce nouveau regard qu'il posait sur tout depuis quelque temps.
On n'avait pas encore allumé la suspension. L'âtre suffisait aux gestes ordinaires. Contre les murs où fleurissait en vert le mal du plâtre, les pulsions des flammes dépenaillaient les ombres des personnages qui respiraient sous le plafond bas.
Le caquois piaillait dans son berceau au ras du sol. La Girarde se levait. Elle posait en équilibre une pile de draps au coin de la huche à pain. Elle saisissait le caquois entre ses mains rougeaudes et venait s'asseoir, face au Papé, de l'autre côté de l'âtre.
Au seul froissement du corsage qu'on dégrafait, l'enfant se taisait comme par miracle. Il s'accrochait des deux mains au sein déversé de sa mère et l'on n'entendait plus alors, souligné par le craquement du feu sous la soupe du soir, que le bruit de succion de ses lèvres impatientes.
Le Papé, bouche édentée ouverte sans vergogne, buvait des yeux ce spectacle toujours nouveau pour lui. Il se réjouissait de cette vie commençante où il croyait avoir glissé assez de lui-même pour se perpétuer.
Ce Papé était un philosophe. Depuis qu'il n'avait plus de dents, il ne chiquait plus. Or, pendant cinquante ans, cette mastication incessante du tabac l'avait séparé des bruits du monde, de sorte que, maintenant, il les captait avec des oreilles toutes neuves.
Soudain, ce soir-là, il cessa de s'intéresser au sein de sa fille. Son regard escalada le mur jusqu'aux fleurs du salpêtre qui verdissaient le plâtre. Sans bouger la tête, il appela son gendre de sa voix blanche.
- Monge ! Tu entends rien ?
--Ce texte fait référence à l'édition
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EAN
9782207229767
Caractéristiques
| EAN | 9782207229767 |
|---|---|
| Titre | La maison assassinée |
| Auteur | Magnan Pierre |
| Editeur | DENOEL |
| Largeur | 141mm |
| Poids | 330gr |
| Date de parution | 13/02/1984 |
| Nombre de pages | 303 |
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