Parle-moi de Manolis

Glykos Allain

ESCAMPETTE

1Cette histoire a dû exister. Elle est du souvenir, des soirs où mon père raconte. Fragments trouvés, inventés. Elle est vraie désormais dans les mots. Vraie, comme le sont les histoires des archéologues, construites à partir de bouts de céramique, d'os, de signes sur un mur. Quelques paroles, quelques fossiles, quelques âmes. L'histoire devient voyage, le voyage, écriture. Détour de phrase, retour à la ligne, accident.Un voyage vieux de soixante-dix ans, peut-être davantage, dont il ne reste aujourd'hui qu'un tas de paroles en vrac, mêlées, usées par le temps, des souvenirs dans le désordre. Les choses en ordre sont dans les livres.Depuis tant d'années que mon père ressasse et embellit, les images se sont inscrites. A présent, elles reviennent. Elles sont de la mémoire. Elles sont peut-être aussi de la mythologie. Les Grecs ne sont pas toujours très au clair avec le passé et laissent volontiers la légende glisser vers l'Histoire, quand ils ne la font pas contemporaine pour quelque autre dessein.Tout a commencé en Asie Mineure, à Vourla près de Smyrne - aujourd'hui, Izmir sur les cartes -. Puis, en un grand dérangement se sont succédé des noms de lieux et de villes: Cesmé, Samos, Le Pirée, Nauplie, Héraklion, Vori. De nouveau Héraklion, puis Athènes, Marseille, Bordeaux.2Manolis a-t-il quinze ans? Zone d'ombre, zone d'incertitude. On l'aura fait naître avec le bombardement des Dardanelles. Pourquoi pas? Qu'est-ce que ça change, puisqu'il est, pour longtemps, en route? Autant vouloir mesurer avec précision un galet qui toujours va et vient, une feuille qui tombe, des sentiments qui se mêlent. Quel instrument rendrait possible une telle opération?Il travaille aux bains des soies. Huit heures par jour, il roule et déroule les rames de tissus que saturent les teintes lourdes ou chatoyantes. De temps à autre, il apporte un échantillon au contremaître qui vérifie à la loupe la qualité de l'imprégnation. Aujourd'hui, le patron a fait venir Manolis, le petit Micrasiate dont il est très satisfait, pour dissiper une rumeur. On dit que lui aussi veut quitter la Grèce. Partir, émigrer. A l'usine, il apprend un bon métier, il gagnera honnêtement sa vie, pourra nourrir une famille. Ses frères réfugiés chantent de bien belles histoires. Manolis est-il trop jeune, ou trop fou, pour connaître ce chant d'amour?Je suis un ouvrier comme il faut...Un artiste fameux, un lion au travail...Je te construirai une maison...Tu me feras frire des poissons, et des betteraves à l'aïoli...Et on passera nos soirées en résiné et en baisers...

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EAN
9782356080509
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