L'homme-Dieu ou Le sens de la vie

Ferry Luc

GRASSET

Les philosophes réinvestissent aujourd'hui la vie de la cité, ainsi Luc Ferry avec son essai sur L'Homme-Dieu ou le sens de la vie. Ce retour des philosophes dans la vie de la cité se traduit par la parution de nombreux ouvrages qui intéressent au plus haut point nos citoyens comme en attestent leurs chiffres de vente.

Mais cet intérêt nouveau pour les réflexions proposées implique de nombreuses questions pour le philosophe. Doit-il décrire pour ses pairs (et en cette fin de XXème siècle, faire ainsi preuve d'érudition afin «d'hériter» de l'histoire de la philosophie, mais aussi utiliser un vocabulaire hermétique au grand public) ? Doit-il bâtir une oeuvre dont chaque livre viendra constituer une pierre ? Doit-il s'adresser au «grand public» et dans ce cas à quel niveau d'abstraction dans une société où les médias tiennent une place dominante ? Entre ces trois positions, Luc Ferry a opté pour une ouverture du débat vers le «grand public», ce qui l'éloigne nécessairement des autres positions sans que cela puisse lui être reproché en soi.

Dans cet essai, le questionnement repose sur une interrogation quant à l'idée de «Progrès» dont on pense, depuis le siècle des Lumières, qu'il s'agit de quelque chose de positif (en relation même avec la sémantique du terme) alors que l'on peut aujourd'hui se poser la question de savoir s'il est réellement aussi positif que cela. Ceci va déboucher sur ce que Luc Ferry va qualifier «d'humanisme de l'homme moderne». Il va ainsi développer l'hypothèse que l'homme moderne est en quête de formes de transcendances malgré le triomphe d'un relativisme dont le champ d'action privilégié aura d'abord été la science et dont la conséquence est, selon ses termes, «une humanisation du divin et une divinisation de l'humain».
C'est dire l'importance du questionnement qu'il opère sur l'idée de religion et sur les formes de religion elles-mêmes dans une cité à légitimité laïque aussi bien dans son idéologie du savoir que dans l'expression de son pouvoir temporel. Cette hypothèse séduisante reflète une opinion (qui n'est d'ailleurs pas seulement celle de l'auteur) qu'il est loisible au lecteur d'accepter, comme de relativiser ou même de refuser.

C'est donc cette hypothèse que Luc Ferry va défendre, mais le regard peut diverger quant à la méthode employée : le recours à des illustrations qui peuvent être qualifiées de journalistiques assure le succès de son parcours argumentatif auprès du grand public, mais peut-on dire qu'elles défendent pour autant pleinement la cause et la rigueur du raisonnement.
Dans la tradition de la forme littéraire que sont les essais, s'agit-il d'une forme d'illustration fiable ? Ce que l'auteur gagne en proximité, il le perd en rigueur. Il peut, à la limite, être possible de qualifier sa démarche de sophistique, problématique à laquelle il ne s'est évidemment pas confronté dans son interrogation mais qui est cohérente avec les modalités de la médiatisation actuelle du débat politique, ou même encore de contingente aux apparences politiques et sociales actuelles. En tous les cas, il propose une intelligibilité de formes sociales telles que la bioéthique et l'engouement humanitaire. Mais peut-on suivre pour autant sans réticences sa lecture de «l'amour moderne» ?

La validité de cet essai concerne bien sûr également l'homme d'entreprise dans la mesure où il offre une lecture possible des transformations actuelles du lien social. Si l'entreprise pouvait être considérée comme implicitement ou même explicitement légitime (elle produisait de la richesse, distribuait des revenus et créait des emplois, plaçant au centre de l'activité humaine la valeur économique), ce n'est plus le cas aujourd'hui (si elle produit toujours de la richesse, elle ne distribue plus autant de revenus et ne crée plus autant d'emplois, ce qui remet en cause le statut social du travail et celui de la valeur économique).
Alors, il est normal de voir le citoyen se tourner vers d'autres légitimités («transcendances» dirait l'auteur) et il est normal de voir ces transcendances concrétisées par des institutions (comme l'humanitaire). C'est ce qui interfère avec la pratique de l'homme d'entreprise et doit le faire réfléchir sur le devenir de l'homme dans les sociétés modernes et dans l'entreprise. -- Business Digest
Nous vivons aujourd'hui un double processus
A l'humanisation du divin liée au refus des arguments d'autorité, répond une divinisation de l'humain, conséquence logique de la naissance de l'amour moderne et des relations sentimentales.
En dépit des apparences et par-delà les discours récurrents, certaines formes de transcendances persistent
Le divin aujourd'hui n'est plus une donnée extérieure révélée a priori mais s'enracine dans la conscience et la subjectivité humaines.
La question du sens de la vie se reformule dans les limites d'un nouvel humanisme
C'est par le don volontaire de soi et l'amour de l'autre que l'individu moderne trouve le sens de sa vie. Le développement de l'idée humanitaire est le symbole par excellence ce cette évolution. -- Idées clés, par Business Digest

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EAN
9782246436317
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