Il faudrait s'arracher le coeur
Fabre Dominique
POINTS
Un jour, quelqu'un sort d'entre les ombres, et sans savoir qui c'est, on se met à guetter cette personne, on se met à la suivre des yeux. Alors, on est rentrés dans un nouvel âge de la vie. Il peut durer des heures, des mois, des années. D'une certaine façon, ceux à qui c'est arrivé ont tous le même regard dorénavant. Il faudrait s'arracher le coeur. Il me l'avait dit, il y a une vingtaine d'années. Je n'ai jamais oublié son expression.
Sa peau était très blanche, on aurait pu imaginer des veines juste en dessous. Une peau de fille, j'ai entendu dire ça à son sujet. En tout cas, il n'avait rien d'une fille, à part la peau. Il marchait longtemps dans les rues, sans savoir quoi faire. Il ne parlait presque pas à ses parents, il raccrochait le téléphone en leur disant, à eux, à d'autres, qu'il était super occupé, oui tout baigne, il rappellerait plus tard. Il ne rappelait jamais. Je me souviens même la fois où il a dit: je suis occupé, et où j'avais déjà deviné son geste de reposer le combiné, ce qu'il a fait dès la fin de sa phrase. Ce que j'ai ressenti, et que j'ai écouté. Sans le vouloir, je lui ai peut-être sauvé la vie. Pourtant, de cette histoire, aucun de nous n'est sans doute le vrai héros. Il n'y a pas eu de héros. Je me souviens du trajet que j'ai fait. Je me sentais pressé et froid, comme un employé du SAMU ou un ambulancier. Il habitait un grand studio près de la station Pereire, moi je venais de Clichy-Levallois. Ou La Garenne. La gare s'appelle Clichy-La Garenne mais, dans la géographie des lieux, on pense plutôt à Clichy-Levallois. Ce sont deux communes qui ne se touchent pas que des yeux. A peine le temps de sentir que là, tout était différent, là où il habitait. Il n'a pas répondu lorsque j'ai sonné. Je n'ai sans doute pas tambouriné. J'ai appelé son prénom de plus en plus fort, mais bon, rien. La porte d'en face, une double porte, en faux teck éclairci. Ses parents avaient fait de lui un type moyennement riche déjà à la naissance. J'ai poussé la porte de chez lui. Il a essayé de se lever quand il m'a vu. Je me souviens de m'être dit que ça ne se faisait pas de rentrer comme ça chez les autres. Son tableau de petit maître, un Di Rosa je crois, dont il disait qu'un jour il lui suffirait de le vendre pour faire le tour du monde. La façon dont il a essayé de se lever. Ses pieds nus. Je suis surpris aussi de mon sang-froid, comme si j'étais né pour m'occuper des gens dans son état, ou peut-être des mourants. Pourtant, je suis douillet, et bien sûr, j'ai peur du sang. J'ai peur des coups, et pardessus tout de la maladie. Cette histoire date de l'époque de la découverte du virus du sida. En fait j'ai certainement moins peur de la mort que des chemins qui y conduisent. Nous sommes des millions comme ça.
- Tu es là?
| EAN | 9782757832219 |
|---|---|
| ISBN | 2757832212 |
| Auteur | Fabre Dominique |
| Editeur | POINTS |
| Largeur | 108mm |
| Date de parution | 21/02/2013 |
| Nombre de pages | 235 |
| Emprunter ce livre | Vente uniquement |
Autres livres par l'auteur de " Il faudrait s'arracher le coeur " (Fabre Dominique)
Dans la même catégorie ( Littérature française )
-
-
-
Céline Louis-Ferdinand ; Chovin VéroniqueLa volonté du Roi Krogold. Suivi de La légende du roi René10,00 €
- Commande avant 16h : Demain dans la boîte aux lettres ! (bpost)
- Livraison dès 5,10 € (mondial-relay)
- Retrait gratuit
- Paiement 100% sécurisé
Contactez les libraires sur WhatsApp
4,6/5 - ⭐⭐⭐⭐⭐
2448 Avis - Source Google


















