PHARAON A DES PROBLEMES DE COEUR

DURAND, MARIE-LAURE

OLIVETAN







Extrait

Extrait de l'introduction Le récit des plaies d'Égypte est entêtant. Il occupe quatre longs chapitres dans le livre de l'Exode qui, au total, en compte quarante. Le calcul est facile, les coups infligés par Dieu à Pharaon et à son peuple représentent dix pour cent de ce livre. Pourquoi la Bible a-t-elle choisi de consacrer un tel pourcentage à cet épisode constitué d'allers-retours entre Dieu et Pharaon ? Pourquoi lire à dix reprises les différents moments d'un face-à-face répétitif entre Moïse et Pharaon ? Pourtant, dès la première lecture un peu attentive, on s'aperçoit que la répétition n'est pas totale et que de curieux détails parsèment le texte. Des éléments apparaissent puis disparaissent. Il y a des variations dans l'attitude de Pharaon. Les coups portés ne le sont pas toujours de la même manière ni au même endroit. Des limites sont posées puis évoluent. Pharaon est d'abord intransigeant, puis il cherche à négocier avec le peuple. Il refuse, accepte, revient sur son acceptation, puis revient sur son refus,... Tous ces détails m'ont intriguée et m'ont donné à penser qu'il y avait forcément à percevoir et à comprendre des choses que je ne remarquais pas. L'exégèse scientifique a mis en avant combien les auteurs qui ont pris part à l'écriture de ce texte ont recyclé des éléments de leur propre vie afin de montrer que Dieu avait été pour eux source de libération. Ces auteurs connaissaient les invasions de grenouilles, de moustiques, les maladies des bêtes... Ils connaissaient également des phénomènes naturels qui bouleversent l'ordre des choses, des phénomènes comme les volcans ou les crues, qui obscurcissent le ciel ou font rougir les fleuves. On suppose que les auteurs ont repris ici des éléments connus, en ont forcé le trait et ont attribué leurs apparitions à Dieu. Outre les éléments naturels sur lesquels ils ont pu s'appuyer, on constate que la dimension symbolique a marqué leur imagination. L'obscurité, le sang, la mort des premiers-nés sont des éléments symboliques forts qui touchent à la vie et à la mort, à ce qui détruit et à ce qui construit, et qui soulignent, en négatif, que Dieu sauve. Ce savoir scientifique sur le texte permet de ne pas s'enliser dans les mauvaises questions sur les lieux de l'action, l'époque, le nombre exact de grenouilles, le nom du pharaon, et d'autres questions qui nous font perdre l'avenir du texte. Les coups donnés par Dieu à Pharaon sont une oeuvre littéraire faite à partir d'un recyclage créatif et bariolé de quelques personnes qui ont voulu nous dire quelque chose de fort sur les hommes et sur Dieu. Il m'importe finalement peu de savoir si ces personnes cherchaient à justifier une situation, à convaincre, à donner du courage à un peuple en exil, à confondre leurs détracteurs ou à affermir un projet politique. Le pari doit être fait que derrière les circonstances singulières qui ont amené à l'écriture de ce texte, il y a une intuition de base prometteuse qui survit aux manipulations dont elle peut faire l'objet.



15,00 €
Disponible sur commande
EAN
9782354791759
Image non contractuelle