La Loi du marcheur

Daney Serge - Bouchaud Nicolas - Didry Eric - Tims

SOLITAIRES INT

Extrait de la préface de Nicolas BouchaudL'ÉCRITURE VIENT APRÈSDe la tradition oraleLa Loi du marcheur est le titre du spectacle imaginé à partir du documentaire Itinéraire d'un ciné-fils réalisé par Pierre-André Boutang et Dominique Rabourdinen 1992 pour la chaîne Arte. Dans ce film, Serge Daney, critique de cinéma, s'entretient trois heures durant avec le philosophe Régis Debray qui fut à l'initiative de cette rencontre.La parole de Serge Daney, telle qu'elle est restituée ici, n'est donc pas au départ un «texte» à lire mais un «texte» à écouter. Notre adaptation n'a pas été pensée pour la lecture mais d'abord pour être dite à des spectateurs sur la scène d'un théâtre.La forme qu'elle prend aujourd'hui et qui fait l'objet de cette publication est indissociable du travail que nous avons mené en répétitions pour inventer notre spectacle et transformer un entretien filmé en un objet théâtral.Le choix d'enlever tel ou tel passage ou de supprimer les questions posées par Régis Debray, voire d'en intégrer certaines au corps du texte, tout cela nous a été dicté par la dramaturgie, la scénographie, la lumière, le son ou la mise en jeu.Certaines parties du texte se sont aussi imposées ou ont au contraire été écartées par rapport au «dialogue» qu'elles pouvaient créer avec la projection d'extraits de Rio Bravo, le film de Howard Hawks, présent par intermittence tout au long du spectacle et film fétiche de Serge Daney.Le texte que nous décidons de publier n'est donc qu'une partie du spectacle La Loi du marcheur. Il n'a aucune valeur canonique. C'est un montage subjectif et partiel, en regard de la richesse de son matériau d'origine qui donnerait aisément matière à plusieurs interprétations différentes.Ainsi, l'écriture vient après comme pour transformer une expérience en mémoire.Mais d'abord, quelqu'un parle et nous l'écoutons.Le texte provient de la transcription d'une parole improvisée. Cette parole, nous l'avons décryptée en préservant les élisions, les hésitations, les approximations, les phrases inachevées afin de ne pas séparer ce qui est dit de la manière de le dire. Le sentiment d'étrangeté qui s'en dégage, nous tenions à le conserver pour la présente édition.Au-delà des nombreuses coupes, nous avons suivi l'ordre chronologique de l'entretien. À l'époque, malade du sida, Serge Daney connaît l'imminence de sa mort. Nous sommes face à quelqu'un qui éprouve la nécessité de nous transmettre une expérience en repassant par plusieurs étapes de sa vie.Serge Daney nous parle de sa propre vie non pas pour l'exposer mais pour élucider une part de ce qu'il a vécu. C'est une parole qui se construit à vue, une parole où les mots traquent la pensée et finissent par créer une véritable écriture. Une écriture orale, une écriture à haute voix.La parole chez Serge Daney s'énonce toujours dans un rapport à l'autre, en elle s'inscrivent le désir de l'autre et la place de son écoute.Serge Daney ouvre l'art sur la vie dans l'optique de faire de son travail critique une quête initiatique pour lui-même. Ce n'est pas la parole d'un expert mais celle de quelqu'un pris dans une quête, dans une odyssée intérieure dont le retour à Ithaque est cette parole dernière.

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EAN
9782846813402
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