L'art classique et le baroque
Extrait de l'introduction
L'ORDRE OU L'EFFET
Classicisme et baroque se partagent l'Europe au XVIIe siècle, et le second se prolongera, dans la phase maniériste ornementale du style «rocaille «Jusqu'à la réaction néoclassique et le retour à l'antique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Mais la domination baroque apporte, dans le concert européen, des idées et des formes - associées aux mutations politiques, sociales et religieuses de l'époque - si nouvelles et si fortes que le classicisme pourrait n'apparaître que comme son antithèse ou son contrepoint. S'il représente la mesure et la raison tandis que le baroque se complaît dans le mouvement et l'effet, ces deux courants ne sont pas antinomiques: également attachés à la représentation, ils ne s'opposent pas. Le classicisme s'est surtout exprimé dans l'architecture, le baroque dans la peinture et les arts décoratifs; le premier fait appel à la construction par la forme fermée, qu'il définit et isole, le second s'adresse aux sens à travers la forme ouverte, s'étend à l'environnement et conquiert l'espace. Néanmoins, classicisme et baroque ne constituent pas des styles unitaires, mais comportent de nombreuses variantes selon les pays, les sociétés et la religion.
«Le style baroque naît chaque fois que dépérit un grand art, assurait Nietzsche. Lorsque, dans l'art d'expression classique, les exigences sont devenues trop grandes, il se présente comme un phénomène naturel...»
A cette affirmation l'historien d'art Eugenio d'Ors répliquait: «Les deux inspirations se valent. Il existe un style d'économie et de raison, un autre de musique et d'abondance. Le premier aime les formes stables et qui pèsent, l'autre les formes contournées qui s'envolent. De celui-là à celui-ci, ni décadence ni dégénérescence. Ce sont deux formes de sensibilité éternelles.»
Lié à la renaissance religieuse de la Contre-Réforme, le baroque s'est rapidement détourné de sa vocation spirituelle pour se transformer en une rhétorique d'action qui, née en Italie où elle a reçu l'essentiel de son contenu esthétique, a été aussitôt adoptée par l'Espagne, les pays germaniques et les Flandres. Art du catholicisme militant et triomphant défini par le concile de Trente (1545-1563), le baroque rencontrera de vives résistances dans les pays acquis à la Réforme; il marquera néanmoins les artistes protestants, Rembrandt notamment.
Si le baroque possède, hors de son berceau italien, quatre grands territoires d'expansion et de conquête, l'Espagne, les Pays-Bas catholiques, l'Allemagne et l'Autriche, on ne saurait négliger un important prolongement polono-russe en Europe centrale, et une exubérante floraison coloniale dans le Nouveau Monde. La France, qui participe à l'effort de renouveau spirituel et moral de la Contre-Réforme, et à sa croisade en faveur des images récusées par la Réforme, ne prend pas ses leçons en Italie; elle choisit une voie différente qui fera d'elle le foyer de résistance au baroque par excellence et le lieu d'élection du classicisme. L'Angleterre constitue un autre centre de refus, mais c'est plus par indifférence ou mépris des courants continentaux que par volonté délibérée, comme en France.
Politiquement et socialement, le baroque est lié à l'Europe hiérarchisée du Saint Empire romain germanique, de la puissante monarchie espagnole et de ses colonies américaines, de l'Italie des papes et des duchés; l'art français se défiera toujours de cet impérialisme internationaliste, comme d'ailleurs des forces irrationnelles, des excès de la passion. Il restera maître de lui. «Le classique, disait Goethe, c'est ce qui est sain.»
Le classicisme, auquel la France du XVIIe siècle s'identifie, se définit clairement à partir des virtualités de la Renaissance, non point contre les courants baroques qui exercent plus ou moins leur influence sur elle, mais comme une réaction de bon sens réaliste, d'ordre, de sobriété et de raison. Ainsi, l'art français affirme son identité qui n'accepte guère, même s'il y succombe parfois, les ingérences étrangères. Il oppose son individualisme à l'internationalisme baroque.
L'ORDRE OU L'EFFET
Classicisme et baroque se partagent l'Europe au XVIIe siècle, et le second se prolongera, dans la phase maniériste ornementale du style «rocaille «Jusqu'à la réaction néoclassique et le retour à l'antique dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Mais la domination baroque apporte, dans le concert européen, des idées et des formes - associées aux mutations politiques, sociales et religieuses de l'époque - si nouvelles et si fortes que le classicisme pourrait n'apparaître que comme son antithèse ou son contrepoint. S'il représente la mesure et la raison tandis que le baroque se complaît dans le mouvement et l'effet, ces deux courants ne sont pas antinomiques: également attachés à la représentation, ils ne s'opposent pas. Le classicisme s'est surtout exprimé dans l'architecture, le baroque dans la peinture et les arts décoratifs; le premier fait appel à la construction par la forme fermée, qu'il définit et isole, le second s'adresse aux sens à travers la forme ouverte, s'étend à l'environnement et conquiert l'espace. Néanmoins, classicisme et baroque ne constituent pas des styles unitaires, mais comportent de nombreuses variantes selon les pays, les sociétés et la religion.
«Le style baroque naît chaque fois que dépérit un grand art, assurait Nietzsche. Lorsque, dans l'art d'expression classique, les exigences sont devenues trop grandes, il se présente comme un phénomène naturel...»
A cette affirmation l'historien d'art Eugenio d'Ors répliquait: «Les deux inspirations se valent. Il existe un style d'économie et de raison, un autre de musique et d'abondance. Le premier aime les formes stables et qui pèsent, l'autre les formes contournées qui s'envolent. De celui-là à celui-ci, ni décadence ni dégénérescence. Ce sont deux formes de sensibilité éternelles.»
Lié à la renaissance religieuse de la Contre-Réforme, le baroque s'est rapidement détourné de sa vocation spirituelle pour se transformer en une rhétorique d'action qui, née en Italie où elle a reçu l'essentiel de son contenu esthétique, a été aussitôt adoptée par l'Espagne, les pays germaniques et les Flandres. Art du catholicisme militant et triomphant défini par le concile de Trente (1545-1563), le baroque rencontrera de vives résistances dans les pays acquis à la Réforme; il marquera néanmoins les artistes protestants, Rembrandt notamment.
Si le baroque possède, hors de son berceau italien, quatre grands territoires d'expansion et de conquête, l'Espagne, les Pays-Bas catholiques, l'Allemagne et l'Autriche, on ne saurait négliger un important prolongement polono-russe en Europe centrale, et une exubérante floraison coloniale dans le Nouveau Monde. La France, qui participe à l'effort de renouveau spirituel et moral de la Contre-Réforme, et à sa croisade en faveur des images récusées par la Réforme, ne prend pas ses leçons en Italie; elle choisit une voie différente qui fera d'elle le foyer de résistance au baroque par excellence et le lieu d'élection du classicisme. L'Angleterre constitue un autre centre de refus, mais c'est plus par indifférence ou mépris des courants continentaux que par volonté délibérée, comme en France.
Politiquement et socialement, le baroque est lié à l'Europe hiérarchisée du Saint Empire romain germanique, de la puissante monarchie espagnole et de ses colonies américaines, de l'Italie des papes et des duchés; l'art français se défiera toujours de cet impérialisme internationaliste, comme d'ailleurs des forces irrationnelles, des excès de la passion. Il restera maître de lui. «Le classique, disait Goethe, c'est ce qui est sain.»
Le classicisme, auquel la France du XVIIe siècle s'identifie, se définit clairement à partir des virtualités de la Renaissance, non point contre les courants baroques qui exercent plus ou moins leur influence sur elle, mais comme une réaction de bon sens réaliste, d'ordre, de sobriété et de raison. Ainsi, l'art français affirme son identité qui n'accepte guère, même s'il y succombe parfois, les ingérences étrangères. Il oppose son individualisme à l'internationalisme baroque.
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EAN
9782035890733
Caractéristiques
EAN | 9782035890733 |
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Titre | L'art classique et le baroque |
Auteur | Cabanne Pierre |
Editeur | LAROUSSE |
Largeur | 145mm |
Poids | 375gr |
Date de parution | 16/01/2013 |
Nombre de pages | 142 |
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