Le feu. Journal d'une escouade suivi de "Dulce et decorum est"

Barbusse Henri - Owen Wilfred - Cosson Olivier

PAYOT







Extrait



Extrait de l'introduction

«C'est nous la matière de la guerre. La guerre n'est composée que de la chair et des âmes des simples soldats.»

Le Feu, sous-titré Journal d'une escouade, paraît d'abord en feuilleton dans L'Œuvre à l'automne 1916. Le succès est tel qu'un volume est publié dès la fin du mois de novembre et obtient le prix Goncourt 1916. Aujourd'hui encore, le nom de Barbusse reste attaché à ce récit, à la fois témoignage et hommage, «à la mémoire des camarades tombés à côté de moi à Crouy et sur la cote 119».
Pourtant Barbusse a déjà une carrière d'écrivain derrière lui : un recueil de poèmes, Pleureuses, paru en 1895, et deux romans, Les Suppliantes (1903) et L'Enfer (1908). Mais l'expérience des tranchées, vécue volontairement en tant que simple soldat alors que son âge et son état de santé lui auraient permis de s'y soustraire, va transformer Barbusse en porte-parole et même en porte-voix : porte-parole de ses frères d'armes, les simples poilus, ceux à qui la parole est confisquée ; porte-voix de la réalité de la guerre à destination des civils, ceux de l'«arrière». Car c'est aussi contre la censure et la propagande, relayées par les journaux et dont la «virée» des poilus dans une ville de l'arrière permet de mesurer l'ampleur (chap. XXII), qu'il s'agit de s'élever. Le «civil», c'est d'abord celui à qui la guerre est étrangère, qui continue à vivre, qui est heureux «quand même» (chap.xii); c'est aussi, souvent, l'«embusqué», qui a réussi par d'habiles manoeuvres à se préserver du danger (chap. IX) ; c'est quelquefois le profiteur de guerre, qui s'enrichit du dénuement du poilu : ainsi des habitants de Gauchin-l'Abbé (chap. V). Mais le civil est aussi celui qui attend, qui écrit, dont le souvenir et les lettres permettent de «tenir» : «Ça n'vous réchauffe pas, mais ça fait semblant» (chap. XIV, p. 125). Le témoignage de Barbusse va ainsi relier l'«arrière» et l'«avant», rendre enfin accessible aux uns la réalité des tranchées, tout en libérant la parole des autres.
Sa volonté de rendre compte de l'expérience vécue du front, et non pas d'une guerre fantasmée et mythifiée, s'incarne également dans la présentation d'activités quotidiennes, souvent routinières (les corvées, le rangement du «barda»), rythmées par les conversations - parfois les disputes - entre les «copains» de l'escouade et leur solidarité presque sans faille. L'escouade, la deuxième famille des poilus, est un groupe très restreint et qui constitue véritablement le cercle relationnel quotidien. Dans Le Feu, l'armée n'est pas une entité abstraite, elle s'incarne dans des individualités, des êtres de chair et de sang, possédant noms, professions, physiques, caractères. Une grande partie du chapitre II est ainsi consacrée à la présentation des membres de l'escouade. Quant au quotidien du poilu, il est surtout fait d'attente : attente du repas, des lettres, du moment de monter en première ligne... Le combat lui-même ne fait l'objet d'aucune mythification : à l'idéal abstrait qui imagine «les petits soldats qui meurent en riant», Barbusse oppose la réalité concrète et vécue. La guerre, c'est d'abord une souffrance physique constante qui ne cesse que pendant les rares moments de sommeil et ne s'achève le plus souvent qu'avec la mort. Le Feu raconte ainsi les marches interminables, la boue, la pluie, le froid, la crasse, et, pour finir, les blessures et la mort atroces. La seule échappatoire étant la «bonne blessure», celle qui ne tue pas mais permet d'être évacué, et qui devient l'unique horizon.
--Ce texte fait référence à l'édition






Broché
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9782228908054
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