Finie la comédie
Extrait
«Bienvenue à la télévision, les amis. Si vous êtes vraiment très bons, vous pourrez revenir la semaine prochaine.»
Koo Davis est sur scène et tient négligemment le micro un peu plus bas que son menton rond et rose. Il ressemble à son portrait réalisé par Norman Rockwell, il y a plus de vingt ans ; dans ces portraits, tout le monde présente ce même visage rose et chaleureux semblable à du latex, mais Koo Davis est réellement comme ça. Il constitue l'argument irréfutable pour légitimer la palette de Norman Rockwell : «Vous voyez ? C'est réaliste !»
«Ce truc-là, dit Koo Davis à son public, ça s'appelle une caméra, et cet autre truc, c'est un cadreur. Si c'est un cadreur syndiqué, on dit "monsieur".»
L'action se déroule dans un studio de télévision doté d'étroits gradins qui courent le long d'un mur, sur lesquels peuvent s'asseoir deux cent cinquante personnes. Il n'y a pas de scène à proprement parler, juste un espace de travail symbolisé par un parquet noir, réparti en plusieurs compartiments délimités par des cloisons en toile, et trois caméras positionnées à gauche, à droite et au centre. La caméra centrale se trouve dans un renfoncement au milieu des gradins, et n'est donc visible pour personne. Le sol est recouvert par endroits d'un tapis gris neutre et entièrement jonché de câbles tels de longs spaghettis noirs et argentés. Trois écrans de télévision sont suspendus au plafond en face des spectateurs ; ils sont éteints pour le moment mais, durant l'enregistrement, ils diffuseront le montage en temps réel. Assises sur les rangées de chaises pliantes se trouvent les deux cent cinquante premières personnes de la queue qui, plus tôt dans l'après-midi, s'est formée à l'extérieur du studio. Toutes sont entrées gratuitement et sont impatientes de passer un bon moment.
«Bon, leur dit Koo, on va être ensemble environ une heure, pendant l'enregistrement du spectacle. Si vous étudiez la technique télévisuelle et que vous voulez seulement rester assis là à regarder les angles de caméra, ça me convient. Et si vous voulez rire si fort que vous en attraperez un point de côté, tomberez par terre et vous y roulerez sans pouvoir vous arrêter, ça me convient aussi. Nous, on va vous regarder avec tous les écrans de télé, et après le spectacle, on vous dira lesquels d'entre vous peuvent rentrer chez eux.»
Koo Davis chauffe lui-même la salle. De moins bons comiques attendent dans leur loge, préfèrent parler avec leurs agents et leurs comptables pendant que des chauffeurs de salles professionnels (des ratés d'une cinquantaine d'années au visage jovial qui connaissent leurs répliques par coeur) réveillent la salle à l'aide de blagues à moitié cochonnes, commencent à faire glousser le public confortablement installé et prêt à hurler de rire. Mais ce n'est pas le genre de Koo Davis ; son genre, c'est d'aller chercher les spectateurs, de les attraper par le revers de leurs vestes, de leur envoyer des vannes, de leur envoyer d'autres vannes tout en leur souriant et en déambulant sur la scène entre deux plaisanteries. Il crée un climat de complicité, c'est comme ça que Koo Davis s'y prend, parce que c'est cela que le public recherche, la complicité.
«On va avoir deux ou trois invités surprise pendant le spectacle, dit Koo Davis à l'assemblée. Ce sont des acteurs, mais essayez quand même d'être gentils avec eux. Je vais vous dire, moi, je suis toujours gentil avec les acteurs. J'ai compris la leçon. La dernière fois que j'en ai viré un, il est devenu gouverneur.» Petite pause, et on leur sourit pendant qu'ils rient. «Ce n'était pas un très bon acteur, à vrai dire.»
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EAN
9782743628109
Specifications
| EAN | 9782743628109 |
|---|---|
| Titre | Finie la comédie |
| Auteur | Westlake Donald ; Bondil Nicolas ; Bondil Pierre |
| Editeur | RIVAGES |
| Largeur | 156mm |
| Poids | 464gr |
| Date de parution | 21/05/2014 |
| Nombre de pages | 382 |
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