Bloody Mary

Vautrin Jean

FAYARD

Une année quelque part dans la décennie 70. « Le printemps était dans l'air. / Une vibration. Une vapeur. Un impalpable état d'esprit (?)Le printemps était dans l'air. / Une fatalité. Une lourdeur. Une paresse."Un moment comme un autre. Une ville de banlieue sans signe particulier et des gens qui, au fond, se débattent dans la vie comme tout le monde.
Grandvallet fait ses classes à l'armée. L'humiliation, et la haine qui monte, laissent un petit goût de"reviens-y"dans la bouche. Tout doucement susurrée au creux de l'oreille, une promesse se contracte"Tu vas voir ce qui t'attend". Sam Schneider, le flic au sang palpitant à l'idée d'Ordre SS en germe jusque dans les initiales de son nom. Physique taillé à la serpette, rude et polaire. France, sa femme-bébé, recluse dans l'alvéole d'une HLM. Elle caresse son autre personnalité, Mary Pute, Bloody Mary, cruelle et tortionnaire. Locomotive Baba N'Doula, laveur de carreau. La victime en puissance. Des destinées repliées sur leurs malheurs, leurs tragédies, leurs folies ordinaires.
Chacun maintient au creux de lui ce tubercule de haine. Cette excroissance qui enfle, qui enfle, qui enfle et excite un besoin de violence comme une bête fauve dans un Zoo.
C'est donc au cours de ce printemps presque déplaisant de banalité, que la tension explose. Les individus sortent de leurs gangues. Tout à coup suffit plus de dire suffit. C'est l'action. La guerre. Grenade, fusil, haine, lynchage. Une foule qui se réveille et se révèle en Dupont la joie. Une décoction de première qualité qui retourne et met à feu Sarcelle. Aucune cible particulière puisque tout est cible. L'absurde.
Par des chapitres courts, écrits dans une langue rugueuse, rapide, populaire, modelée par un vulgaire plein d'humanité, Jean Vautrin, mine de rien, mène ses personnages au terme de leur route. C'est un peu comme si les façades des maisons, des immeubles, des HLM, n'étaient que des décors, un peu comme si les personnages étaient des poupées que la simple lecture des mots consume sur place.
Le livre s'achève sur une normalité insoutenable"Voilà, c'est fini. / Le soleil brille pour tout le monde (?) L'été est dans l'air. / Une fatalité. Une nonchalance. Une paresse."
On voudrait rire, même jaune, mais on ne parvient qu'à esquisser un spasme. Ce livre a été édité pour la première fois en 1979. Roman ? Fiction ? Certes. Et pourtant, 20 ans après c'est bien toujours la même histoire, réelle.--Sylvaine Jeminet --"

30,30 €
Disponible sur commande
EAN
9782213629438
Image non contractuelle