Mémoires d'un protestant du Vigan. Des dragonnades au Refuge (1683-1686)

Valat Jean - Birnstiel Eckart - Chanson Véronique

PARIS

Extrait de l'avant-proposLes dragonnades, la révocation de l'Édit de Nantes, le Refuge huguenot: cette séquence d'événements étroitement liés a suscité une série de témoignages et de mémoires, manuscrits ou imprimés, comme cela avait été le cas au moment de la Saint-Barthélemy et allait le redevenir avec l'épisode camisard au début du XVIIIe siècle. Le silence imposé aux minorités vaincues est troué grâce à ces voix individuelles. Pour des raisons matérielles et psychologiques aisées à déterminer, c'est le plus souvent au moment de l'arrivée en terre étrangère, mais hospitalière, ou à l'orée de la vieillesse sur cette même terre, que le réfugié, voire l'ancien galérien ou camisard, rédige des mémoires destinés généralement à la circulation familiale. Ces textes comprennent, à côté d'un récit du malheur et des tribulations, et de la volonté de le transmettre aux générations à venir, l'expression de la reconnaissance envers un Dieu qui a délivré l'auteur de sa captivité et l'a conduit en terre promise (ces métaphores étant explicitement tirées de l'histoire des Hébreux dans l'Ancien Testament). Qu'il s'agisse de l'histoire la plus concrète, celle des dragons, des amendes, des violences de toutes sortes, des fuites à l'étranger, ou d'une histoire des représentations (comment voit-on un destin collectif lorsque l'on est membre d'une minorité persécutée, puis interdite?), il y a là beaucoup à glaner pour qui s'intéresse au protestantisme français et, au-delà, aux exils et diasporas qui ont contribué à faire l'Europe moderne.On a pu remarquer, du reste, et sans que l'on puisse l'expliquer vraiment, que de telles relations sont relativement peu nombreuses, alors que l'exil huguenot des années 1680-1700 a concerné au moins 150 000 personnes, dont bon nombre d'élites: une historienne américaine en a repéré une cinquantaine, souvent très brèves (quelques pages) pour le Refuge huguenot - non compris celle que l'on trouvera dans ce volume -, même s'il est probable que plusieurs ont été perdues, et que d'autres attendent d'être exhumées et éditées. L'histoire du protestantisme français doit beaucoup à une petite poignée de ces textes, publiés parfois dès le XVIIIe siècle (1710-1711 pour la Nîmoise Madame Du Noyer, 1757 pour l'ancien galérien Jean Marteilhe), le plus souvent au XIXe, et régulièrement réédités depuis, d'abord chez des éditeurs protestants «militants», puis dans des maisons plus générales, comme le Mercure de France, dont le catalogue de la collection «Le temps retrouvé» propose aujourd'hui les mémoires d'Isaac Dumont de Bostaquet, de J. Marteilhe et de Madame Du Noyer. Il est arrivé que ces mémoires, rédigés en français, aient été traduits en anglais avant d'être édités, puis aient été retraduits à partir de l'anglais ou, enfin, édités dans leur langue originelle: tel a été le cas des mémoires de Jean Migault (en 1824, et 1825 pour le français), de Jacques Fontaine (en 1838, et 1877 pour le français), ou encore du galérien Élie Neau (1699, et 1701 pour le français) et de Jean Cavalier (en 17264). C'est que le premier public de ces ouvrages a été celui de leurs pays d'accueil, en l'occurrence la Grande-Bretagne ou les États-Unis d'Amérique. L'ancienneté même des éditions de Migault, Fontaine, Martheilhe, Dumont de Bostaquet (1864), et leur usage courant au XIXe siècle (Michelet a fait grand cas des deux derniers), a transformé leurs mémoires en classiques d'une histoire d'abord «légendaire» et «hagiographique» (martyrologique, si l'on préfère), puis scientifique. Saurait-il y avoir, aujourd'hui encore, une synthèse sur le protestantisme français qui ne recoure point à ces oeuvres? Ce «quarté» a toutefois laissé dans l'ombre, un peu indûment, des textes qui mériteraient de les rejoindre au premier rang des grands documents sur le malheur huguenot en 1685. Ainsi de l'ouvrage publié en 1698 par l'avocat montpelliérain Etienne Cambolive, extraordinaire récit picaresque d'une errance qui le mène, au bout de plusieurs mois, de Toulouse à Genève; ainsi des mémoires de Jean Valat, rédigés à partir de 1690, restés inédits et même inconnus dans notre langue jusqu'à la présente publication.

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EAN
9782846211529
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