Les disparitions d'Annaëlle Faier

Sciarini Jean-Noël

EDL

Extrait de l'introduction

Je m'appelle Annaëlle Faier, j'ai quinze ans, et je suis une superhéroïne.
Oui, une superhéroïne, comme tous ces types un peu ridicules moulés dans leur combinaison en latex.
Évidemment, tout comme eux, j'ai un superpouvoir.
Sauf que le mien est loin d'être super.
Car je suis une superhéroïne inversée.
En somme, mon pouvoir n'est pas un don, mais une malédiction: il n'y aura pas de chemin initiatique à parcourir, le coeur vaillant, pourvue d'une foi immense, il n'y aura pas de révélation ou de vérité se pointant à l'horizon, il n'y aura pas de Finalement elle se rendit compte que c'était une chance, et ce fut bien. Ce n'est pas compliqué, au fond: il en est et en sera toujours ainsi.
Moi, les phrases grandiloquentes du type Un grand pouvoir implique de grandes responsabilités, ça m'exaspère; avec moi ça ne marche pas.

Pourquoi inversée? Parce que ce pouvoir n'a rien de très amusant. Au contraire, il me terrifie et me donne envie de disparaître.
Ça tombe bien, en vérité, car c'est ça, mon superpouvoir: les disparitions.
Non, ce n'est pas une plaisanterie.

Il y a quelques semaines encore, j'étais une adolescente comme les autres, j'étais même la fille la plus populaire du cycle d'orientation. Puis tout s'est mis à aller à vau-l'eau et depuis j'ai la tête enfouie là-dessous, où la respiration devient haletante et s'épuise, où l'on gesticule et où l'on crie dans une opacité définitive.

Pourtant, quand les événements ont commencé, ça ne m'a pas alarmée plus que cela.
C'était modeste, accommodant, un peu étrange, certes, carrément fâcheux à certains moments.
Aujourd'hui, j'en ai déjà la nostalgie.

J'ai commencé par faire disparaître ce genre de choses, des objets: clés, chapeaux, portables, bijoux, vêtements, lecteurs MP3, etc.
La liste est interminable.
A force d'y penser matin et soir, j'ai fini par débusquer une très bonne explication. Le responsable de tout ça ne pouvait être que le bon Dieu, excédé par mon mode de vie consumériste.
Je ne plaisante pas.
Il m'avait choisie puis II avait voulu me démontrer l'inutilité de toutes les choses que je possède: que ça ne me rendrait ni plus belle ni plus intelligente ni plus désirable ni rien. Que ça me rendrait juste de plus en plus pauvre et affamée. Éternellement insatisfaite.

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EAN
9782211206822
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