Sur la liberté de la volonté

Schopenhauer Arthur

HERMANN

La métaphysique introuvable
par Etienne Osier

La liberté de la volonté est un «problème fondamental de l'éthique», généralisable à toute philosophie de l'action, certes au prix d'assimilations et d'anachronismes repérés par l'historien de la philosophie - ou des religions. Par sa méthode de travail, Schopenhauer intègre la philosophie et l'histoire de la philosophie, comme Hegel et finalement tous les héritiers de Kant, qui conclut sa Critique de la raison pure par une «histoire» du même nom. Le philosophe a l'excuse d'une intelligence qui manipule, voire contrefait l'histoire: le plus «éclairé» d'entre eux est d'abord un philosophe et son rayonnement rétrospectif naît d'une source créatrice de la pensée, du système entiers. Sur ce point précis, Schopenhauer, au moins à l'époque où il publie Le monde comme volonté et comme représentation, est authentiquement philosophe. Il ne s'inscrit pas en effet dans un projet explicitement critique ni phénoménologique. La préface qu'il rédige pour la première édition, en 1819, le montre sous des patronages ambitieux et ciblés (Platon et Kant), mais en aucun cas affairé à instruire un procès historique. C'est d'abord une pensée philosophique qui s'exprime et, si synthèse ou «achèvement» historiques il y a, on ne peut les déceler au fil de la lecture, à plus forte raison si l'on se concentre sur le texte de 1819.
Ici commence proprement la difficulté. Lire un texte de Schopenhauer sans précaution bibliographique expose à une interprétation au contraire pleinement installée dans l'histoire de la philosophie et de bien d'autres domaines, scientifiques comme religieux, au point où l'érudition, voire la trouvaille viennent alimenter une suspicion sur le sens philosophique de départ: l'hostilité de Schopenhauer à ses contemporains et compatriotes philosophes n'est-elle pas moins agaçante que l'accumulation des citations parfois très référencées? L'esprit encyclopédique ne remplace-t-il pas à terme l'esprit philosophique? Ce terme est celui de l'existence de Schopenhauer, qui à partir de 1819 et jusqu'à sa mort, a constamment réédité son Monde, sans pour autant le refaire. Entre la philosophie comme production d'une pensée rationnelle et l'histoire de la philosophie, entre la publication d'une pensée unifiée et ses ramifications historicisantes en réseaux interne (les éditions de 1844 et 1859, puis les ajouts manuscrits publiés à titre posthume) et externe (La volonté dans la nature en 1836, le Mémoire sur la liberté de la volonté en 1839, Le fondement de la morale en 1840, les Parerga et paralipomena en 1851), l'ordre des raisons schopenhauerien ne se délite pas, mais prend l'apparence du superflu, voire du superficiel. Pour compliquer le tout, le texte de chaque volume paru a été lui-même réédité avec modifications, modifié sur exemplaire personnel, réédité enfin après la mort du philosophe. Pour le Monde, il faut à ce compte en repérer quatre états.


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EAN
9782705669096
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