LE CAREME, UN TEMPS DE RECONCILIATION

ROGNON, FREDERIC

OLIVETAN







Extrait

OUVERTURE VOUS AVEZ DIT : CARÊME PROTESTANT ? Quel sens peut donc bien avoir le Carême dans une perspective protestante ? Tel est le point de départ des méditations qui nous sont ici proposées. Quel sens pour le Carême protestant, dans les deux sens du mot «sens» ! Quelle signification, quelle valeur, quelle teneur sémantique ? Mais aussi quelle orientation, quel but, quelle finalité ? Quelle réalité faut-il mettre derrière le terme «Carême», et vers où cette réalité nous conduit-elle ? Entre d'une part le légalisme scrupuleux, pointilleux, en matière de règles de vie, de renoncements et de restrictions, et notamment d'interdits alimentaires, et d'autre part l'insignifiance et par conséquent l'indifférence, ne pourrait-on imaginer une troisième voie ? Une troisième voie qui serait enracinée dans l'Écriture, et fidèle aux intuitions et aux principes de la Réforme du XVIe siècle : Sola gratta, Sola fide, Sola scriptura, Soli Deo gloria. L'identité protestante est trop souvent conçue et vécue comme une identité négative : un protestant, c'est un non-catholique... C'est un chrétien qui ne va pas à la messe, n'est pas soumis à l'autorité du Pape, ne prie pas la Vierge Marie, et ne mange pas du poisson le vendredi. Ne serait-il pas plus opportun de définir la foi protestante, non par ce qu'elle n'est pas, mais par ce qu'elle est ? Et de ce fait, l'expression «Carême protestant» cesserait d'être considérée comme un oxymore, comme une contradiction dans les termes. Si le protestantisme prend l'audace d'assumer le Carême, sans crainte d'incongruité ou d'infidélité à sa propre identité, cela ne signifie pas pour autant que le Carême protestant doit être une aventure purement intellectuelle, strictement cérébrale. Il est temps de briser aussi ce stéréotype-là. Le statut privilégié de la réflexion théologique, nourrie de la Bible, dans la tradition protestante, présente l'immense intérêt de nous aider à penser notre foi. Mais à condition que cela débouche sur des impulsions existentielles, sur des engagements de vie. Le Carême est avant tout une séquence temporelle, une période spécifique de l'année : les quarante jours qui précèdent la fête de Pâques. La Réforme du XVIe siècle a désacralisé les lieux, les objets et les personnes, en abolissant les pèlerinages, le culte des reliques er le sacerdoce personnel du prêtre. Pour considérer que Dieu seul est saint, que lui seul doit être glorifié. Mais ce désenchantement du monde a conduit, avec les siècles (et avec la sécularisation), à relativiser la portée du calendrier liturgique. Or, une vie de foi ne peut se passer sans dommages de cette précieuse structuration qu'offre un rapport qualifiant à la temporalité. La tension eschatologique de notre histoire, orientée par l'attente du retour du Christ, se nourrit paradoxalement d'une représentation cyclique du temps : jusqu'à la Parousie, nous célébrons chaque année Noël et Pâques. Non seulement comme des commémorations de la naissance et de la résurrection de Jésus-Christ, mais aussi et surtout comme des occasions de reconsidérer notre vie, et d'expérimenter hic et nunc les promesses de notre propre résurrection, «les arrhes de l'Esprit», les arrhes du Royaume. Or, cette expérience ne peut se traduire uniquement par des «temps forts» à caractère festif, mais doit s'inscrire dans une certaine durée. L'Avent est la préparation de nos coeurs à recevoir le seul cadeau de Noël qui puisse orienter norre vie, la venue de Dieu parmi nous. Et le Carême est la montée vers le seul événement susceptible de restaurer en profondeur nos relations, la victoire du Christ sur la mort, la promesse pascale d'un renouveau en nous et entre nous. (...)



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EAN
9782354791353
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