Walter Benjamin, le désir d'authenticité. L'héritage de la Bildung allemande
Avant-propos de Heinz Wismann
L'oeuvre de Walter Benjamin (1892-1940), en grande partie posthume, a connu un destin paradoxal. Tantôt revendiquée par les tenants des idéologies les plus hostiles aux prétentions individualistes, tantôt portée au crédit d'un génie solitaire habitué, selon la formule de Theodor W. Adorno, de «nager à contre-courant», elle a pendant longtemps servi d'enjeu privilégié à une sorte de lutte symbolique qui, tout en stimulant l'intérêt de ses lecteurs, faisait écran devant son actualité intempestive. Celle-ci n'est apparue qu'avec le recul progressif des préjugés qui opposaient, sans nuance, les postulats de l'engagement militant et de l'inspiration prophétique. Or, pour prendre la mesure de la complexité d'une pensée qui plonge ses racines dans les débats allemands de l'époque de Guillaume II, traverse leurs résurgences convulsives sous la République de Weimar, avant d'en affronter, depuis l'exil, le dénouement totalitaire, il fallait d'abord reconstituer son contexte d'origine, susceptible d'éclairer les métamorphoses successives d'une démarche intellectuelle qui maintient, comme toute grande entreprise de l'esprit, un certain questionnement initial. C'est à cette tâche qu'est consacré le livre de Marino Pulliero, fruit d'un travail de longue haleine, dont j'ai pu suivre la lente maturation, depuis la thèse de doctorat jusqu'à la synthèse magistrale des recherches effectuées dans son sillage.
Le principal mérite de cet ouvrage réside dans la combinaison subtile des deux types d'approche, généralement dissociés, que sont l'investigation historique et la reconstruction systématique. En effet, l'analyse concrète d'un espace de discours ne saurait se passer de l'accumulation extensive de références textuelles historiquement situées, réunissant dans un même corpus les citations d'auteurs influents et de la cohorte des suiveurs, afin de dégager quelque chose comme un idiome partagé, voire une rhétorique commune, qui sous-tend l'antagonisme des arguments échangés. Mais, plus systématiquement, elle nécessite encore l'identification des attracteurs conceptuels qui organisent le champ de la discussion, afin de rendre possible l'élucidation critique des positions défendues. Cette double mise en perspective est indispensable pour aborder la nébuleuse discursive postnietzschéenne, dont la galaxie éditoriale d'Eugen Diederichs concentre vers la fin du siècle l'essentiel des énergies disparates. Véritable syncrétisme volontariste, axé sur le projet d'une réforme radicale de toutes les sphères de la vie individuelle et collective, le «wiïhelminisme» ne se laisse appréhender qu'à l'aide d'une typologie réflexive de ses effets de langage.
Il est frappant de constater que la plupart des thèmes fondamentaux développés par Walter Benjamin, de la Métaphysique de la jeunesse aux Thèses sur le concept de l'histoire, se rencontrent, sous une forme ou une autre, dans l'univers culturel de l'Allemagne wilhelmienne. Cela vaut pour la critique de l'historicisme, la quête de l'expérience authentique, notamment religieuse, la problématique de la Bildung et son articulation au conflit entre communauté et société, la dialectique du moderne, la question de l'assimilation et de l'identité juive, la redéfinition du rôle de la littérature et de l'art en général, le messianisme politique et antipolitique, l'idée d'un mysticisme profane. De fait, chaque chapitre du livre propose l'archéologie d'une thématique benjaminienne, permettant ainsi de mesurer la distance qui sépare la vulgate culturelle de sa transmutation opérée dans l'élément de la pensée.
| EAN | 9782705686864 |
|---|---|
| Titre | Walter Benjamin, le désir d'authenticité. L'héritage de la Bildung allemande |
| Auteur | Pulliero Marino |
| Editeur | HERMANN |
| Largeur | 170mm |
| Poids | 1648gr |
| Date de parution | 09/07/2013 |
| Nombre de pages | 1 056 |
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