Le scandale Dexia. Enquête sur la plus grosse faillite bancaire européenne

Piffaretti Alain

NOUVEAU MONDE

Et maintenant, la facture!«N'êtes-vous pas étonné du peu de retentissement de cette affaire?» Dans un magnifique élan de sincérité, le haut fonctionnaire de Bercy interviewé en ^oublie un bref instant sa prudente réserve et lâche un sonore: «Heureusement!» Ce cri du coeur impossible à réprimer nous a plus éclairé que tout le reste de l'entretien sur le positionnement de l'État français vis-à-vis de Dexia. Un dossier embarrassant, aux répercussions multiples, qu'à défaut de pouvoir véritablement régler aujourd'hui, on aimerait pouvoir cacher derrière le rideau...«L'affaire» Dexia dépasse déjà à plus d'un titre le scandale du Crédit lyonnais, pourtant bien plus médiatisé en son temps. Par l'ampleur des chiffres d'abord: d'ores et déjà, les coûts (en additionnant les renflouements de Dexia et les coûts liés aux emprunts toxiques) dépassent ceux du Crédit lyonnais! Si les garanties des États devaient être appelées, les montants en jeu seraient alors totalement sans comparaison. Par la complexité et l'enchevêtrement du problème, ensuite. En fait, il n'y a pas un, mais deux scandales Dexia. Le premier concerne la holding Dexia et sa course folle à la rentabilité qui la mènera à sa perte. Le second, c'est l'incroyable transfert d'argent public des collectivités territoriales et plus globalement du secteur public local et des hôpitaux vers des banques d'investissement et des hedge funds, qui n'a pu s'effectuer qu'avec le courtage actif de Dexia. Dans le premier cas, les contribuables français et belges payent (et vont continuer à payer) la facture. Les renflouements de Dexia représentent déjà une dépense de 8 milliards d'euros pour les États français et belge. Les trois régions belges ont également mis la main au portefeuille à hauteur d'un milliard et les communes belges à hauteur de 500 millions à travers le Holding Communal (voir le chapitre suivant).Pour l'autre aspect, ce sont les contribuables français qui seront mis à contribution. Une bataille se déroule actuellement pour savoir dans quelle proportion il s'agira du contribuable local ou national. Or jusqu'à présent, on ne peut pas vraiment dire que les opinions publiques aient été fortement sensibilisées à ce risque. En Belgique, l'affaire Dexia a cènes eu davantage de retentissement, mais en France, elle a essentiellement suscité de l'intérêt dans un milieu limité de spécialistes.Dexia est désormais une société «en voie de résolution». Pour ne pas parler «faillite» ou «nationalisation», l'imagination, tant à Bruxelles qu'à Paris, est au pouvoir. Parlons donc, puisque c'est aujourd'hui le terme consacré, de bad bank. On ne peut guère en attendre grand-chose; en revanche, elle peut poser bien des soucis. Rappelons que celle du Crédit lyonnais renfermait l'équivalent de 28,3 milliards d'euros, soit neuf fois moins que celle de Dexia. Au plus fort de la crise de 2008, le bilan de Dexia atteignait 650 milliards d'euros, c'est-à-dire à peu près autant que Lehman Brothers. Depuis, les États français, belge et, dans une moindre mesure, luxembourgeois, ont mis la main au portefeuille, en recapitalisant Dexia à coups de milliards, comme autant de coups d'épée dans l'eau. Les 6,4 milliards d'euros injectés hier, c'est-à-dire en 2008, valent aujourd'hui... quelques petits millions! (...)

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EAN
9782365833257