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La tutelle au risque de la psychanalyse

Parmentier Branka

CAMPAGNE PREM





Extrait



Extrait de la présentation de Branka Parmentier

Il y a treize ans, je fus contactée, en ma qualité de philosophe, par plusieurs institutions nationales et institutionnelles en régions, pour faire des communications sur le thème de l'éthique, à l'intention de mandataires judiciaires. Puis ce fut ma seconde formation, celle de psychanalyste, qui fut sollicitée, pour que j'intervienne, toujours pour le même public, sur le sujet des psychopathologies pour aider ces mandataires à mieux communiquer, lors de l'élaboration de projets et de leur application, avec des personnes protégées sous mandat, endettées ou affaiblies psychologiquement, en souffrance extrême, et à l'égard desquelles ils se sentaient démunis, car issus des milieux juridiques ou socio-éducatifs. Ces interventions devaient leur permettre par ailleurs de valider l'exercice de leur pratique à travers la reconnaissance d'un diplôme, le Certificat national de compétence (CNC). Ainsi, et depuis la réécriture de la loi du 5 mars 2007 portant réforme de la Protection juridique des majeurs, publié au Journal officiel du 7 mars 2007 (voir texte p. 151), j'ai voyagé «au pays de la tutelle», traversant la France entière et visitant les associations ayant pour but de soutenir les familles, de Strasbourg à Marseille, en passant par Privas, Aurillac, Tulle, Toulon, Lille, Metz, Lyon, Saint-Étienne, Pau, Bourges, afin d'élaborer une synthèse la plus juste possible entre une éthique souhaitable et une pratique de l'inconscient et des pulsions de la personne protégée.
Une incongruité est rapidement apparue aux yeux universitaires et cliniques du tiers que j'étais dans ce cadre particulier. En effet, le couple délégué-personne protégée forme un espace vulnérable, semblable à un duo tel qu'on le rencontre en thérapie de couple dans le cabinet de l'analyste. Un couple en crise, l'un des deux membres ayant perdu toute autonomie et dépendant financièrement, légalement et fantasmatiquement de l'autre. Quelles que soient les mesures d'accompagnement (voir p. 27), il ressort que le lien issu de la confusion de langue entre le délégué et la personne protégée ou la famille - dont un ou plusieurs individus forment un ensemble, malgré l'hétérogénéité symptomatique, les uns parlant cadre juridique, les autres traçant d'une voix malhabile celui de leurs pulsions - est celui du transfert. Transfert sauvage certes, mais d'autant plus destructeur et explosif, voire tueur, qu'il n'est pas identifié en tant que tel et circonscrit par sa nomination. Nommer le transfert, c'est diminuer sa possibilité de conversion en passage à l'acte, principal risque attaché aux liens mandataire judiciaire/personne protégée. Quand le mandataire, soutenu par une analyse des pratiques, identifie le mouvement transférentiel, il n'en est qu'au début d'une prise en compte de l'inconscient, et se trouve alors en proie, dans son métier de juriste, au doute et plus encore à un cas de conscience quant à la nécessité ou non d'interroger son propre contre-transfert. Il est en effet des professions que l'on ne pratique pas sans risque ou implication, voire qui obligent à un investissement intensif, l'enjeu éthique, politique, social étant de maintenir dans le lien une personne en déroute.
À travers les nombreuses rencontres qui eurent lieu entre les délégués et les communications que j'ai données (plus de mille), il ressort que mon discours s'adressait fantasmatiquement à la personne protégée. Celle-ci peut, elle aussi, emprunter mille visages (succomber aux achats compulsifs, au surendettement, aux addictions, manifester de la violence, la subir, être déshérité, en proie à d'atroces rivalités au sein de sa lignée, incarcéré, tortionnaire, infanticide, assassin, atteint de la maladie Alzheimer, défaillant mentalement, handicapé, victime de viols, témoin de meurtre, atteint de pathologies variées ou combinées : perversion, psychoses, autisme), mais une constante se fait jour : elle transfère sur sa, ou son délégué, sa tension psychique dès le début de l'application de la mesure. Elle projette, à son corps défendant, son destin pulsionnel sur l'écran juridique du délégué. C'est l'apanage de l'humain, pensera-t-on en vain, de rater la spécificité du déni qui sous-tend cet impossible métier, déni de la nature fondamentalement psychique du cadre, qui n'est donc pas seulement juridique. Mais le support juridique n'entend pas la voix de l'inconscient qui le manipule, l'annihile, le rend impraticable ou voué au passage à l'acte, à son impuissance, car même si l'autonomie comme projet idéal semble atteinte, la confusion, véritable obstacle épistémologique en acte, inscrit le mandat dans l'illusion. Le mandataire se voit alors «confiné à la méditation métaphysique».






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EAN
9782915789836
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