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On the Brinks

Millar Sam ; Raynal Patrick

POINTS





Extrait



La maison

L'espoir désespéré est espérance et n'a pas de fin
Déchets sans printemps et maisons sans ami.
John Clare, Child Harold

Ils te niquent, tes père et mère.
Ils le cherchent pas, mais c'est comme ça.
Ils te remplissent de leurs travers
Et rajoutent même un p'tit chouïa - rien que pour toi.
Philip Larkin, Tel soit le Dit

Je suis né à Belfast et j'ai vécu dans Lancaster Street, une rue dont les enfants les plus célèbres comptent le champion du monde de boxe John Joseph «Rinty» Monaghan et l'artiste irlandais John Lavery. Parmi les peintures les plus connues de Lavery, figure le portrait de Kathleen Ni Houlihan sur les premiers billets de banque de l'Irlande libre ; sa femme, Hazel, avait servi de modèle. Après avoir quitté son humble demeure dans la rue, il ne tarda pas à devenir célèbre et il déménagea à Londres, où, par la suite, il prêta sa résidence somptueuse de Cromwell Place dans South Kensington à la délégation irlandaise conduite par Michael Collins pendant les négociations du traité anglo-irlandais en 1921. Après que Collins eut été tué, Lavery peignit son portrait, intitulé Michael Collins, Amour de l'Irlande. Cela en dépit des rumeurs qui disaient que Collins avait eu une liaison avec Hazel alors qu'il séjournait à Londres. Lavery était sans doute un assez bon compagnon pour Collins, mais ce qui est aussi sûr que les impôts, c'est qu'il n'en était pas un assez bon pour notre petite rue. Nous ne parlions jamais de cet homme talentueux pour la simple raison qu'il avait commis ce qui était pour nous le plus impardonnable des péchés en acceptant le titre de chevalier de l'Empire britannique. Pour une rue dont les trois quarts de la population mâle étaient emprisonnés sans procès, ou envoyés à Long Kesh après un procès spectacle infâme et sans jury, il est facile d'en comprendre la raison.
Depuis toujours, Lancaster Street était le théâtre de violences sectaires. Les bandes d'Orangemen encadrées par les flics l'attaquaient souvent, laissant habituellement sur le carreau de vaillants défenseurs de la rue. En septembre 1921, le New York Times rapportait en page 5 : NOUVELLE FUSILLADE DANS LES RUES DE BELFAST. Un enfant meurt de ses blessures, ce qui porte le total à 18 morts.
La rue avait été sans doute baptisée du nom d'une école et d'une méthode pédagogique quakers, mais ceux qui vivaient là préféraient l'histoire qui racontait qu'elle portait le nom de Burt Lancaster, le célèbre acteur américain dont les grands-parents étaient originaires de Belfast avant d'émigrer en Amérique.
Ma mère, Elizabeth, était une accro du boulot, perpétuellement en train de frotter et de nettoyer. Elle sentait toujours le Daz, un savon à la Javel et au crésol qui donnait à ses mains la couleur de la viande crue. Pendant que mon père, Big Sam, travaillait dans la marine marchande, elle tenait une demi-pension de famille dont la capacité locative ne dépassait pas le chiffre un. Elle n'en avait jamais tiré un sou, que des dettes. Sa bourse en témoignait. C'était une bourse de prolétaire. Grosse. Grosse de la douleur des objets mis en gage et des reconnaissances de dette. Grosse, comme les ventres ballonnés des enfants mourant de faim dans l'Afrique lointaine.
La nuit précédant le départ en mer de mon père, ils se disputaient à propos de sa solitude et de son besoin de liberté.
--Ce texte fait référence à l'édition






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EAN
9782757848197
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