L'Algérie algérienne. Fin d'un empire, naissance d'une nation

Lacouture Jean - Daniel Jean

GALLIMARD







Extrait



CE JOUR-LÀ

S'il faut en croire Nietzsche, les grands événements viennent à nous sur des pattes de colombes. Grand «événement» s'il en fut, le cessez-le-feu proclamé en Algérie le 19 mars 1962 à midi par le commandant en chef français, acte de décès de l'«empire» français, n'advint pas sur le mode prévu par le philosophe du Gai Savoir. Mais l'écho donné à cette opération majeure ne fut peut-être pas à la mesure de sa gravité.
Le général Ailleret ne mettait pas «seulement» fin - sous réserve de la sanction d'un référendum dont l'issue ne faisait guère de doute - à sept ans et demi d'une guerre cruelle et longtemps inavouée; coupant court à plus de quatre siècles d'une histoire qualifiée souvent de «coloniale», parfois d'«impériale», il procédait à l'amputation de près des deux tiers du territoire où s'exerçait, de Dunkerque jusqu'au coeur de l'Afrique, et sous des formes diverses, la souveraineté nationale. Une telle opération ne pouvait évidemment être conduite dans un silence reflétant le consentement général. Compte tenu des souffrances infligées à beaucoup, épargnées à d'autres, elle aurait pu néanmoins revêtir une sorte de grandeur, celle qui sied au sacrifice. Tel ne fut pas le cas.
On ne manquera pas d'évoquer, avec toutes les réserves qu'im­posait la situation, le «soulagement» qu'apporta dans de larges secteurs de l'opinion, au sud comme au nord de la Méditerranée, l'annonce qui en fut faite par le général de Gaulle dès la veille, dans la soirée du 18 mars. Mais celui qui s'efforce de donner une idée du climat créé ce jour-là, à Paris, par cette déclaration, qui consulte la presse consacrée alors à l'événement, ne trouve que les mots de «méfiance», de «mise en garde», de «frustration» - s'agissant même de ceux qui se prononçaient depuis longtemps contre la poursuite de la guerre.



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EAN
9782070120031
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