La culture en mode usine. Aux origines du concept d’industrie de la culture dans la Théorie critique

Lorsque Theodor W. Adorno et Max Horkheimer introduisent pour la première fois, en 1947, dans La Dialectique de la raison, le concept d'"industrie de la culture", ils révèlent l'écart entre les promesses des Lumières et la désillusion née du national-socialisme. La culture rationalisée n'apparaît plus comme un objet de transcendance, mais comme un produit consommable, réifié et aisément instrumentalisé à des fins politiques. Ce concept ne naît pas seulement d'observations minutieuses sur la modernité marchande, mais d'un long cheminement théorique que cet ouvrage entreprend de retracer, en en suivant la généalogie depuis le début du XIXe siècle. Guillaume Beringer propose ainsi une vaste histoire de la formation de cette notion. De Goethe, Schiller, Hegel et Tocqueville à Sainte-Beuve, Proudhon, Heine, Marx et Engels, en passant par les héritiers de la Kulturkritik - Nietzsche, Weber, Simmel, Sombart, Lukács - puis par Benjamin, Balázs et Kracauer, une constellation de penseurs a interrogé, directement ou indirectement, la transformation de la culture sous l'effet de sa marchandisation et de son industrialisation. On voit alors la culture devenir un instrument au service d'intérêts économiques, se présenter comme vecteur d'individualisation et, à travers des formes comme le cinéma, offrir un modèle idéalisé aux individus en quête d'émancipation. Mais, en tant que nouvelle mythologie, elle tend en réalité à aliéner les individus en servant des intérêts qui ne sont plus seulement économiques, mais aussi politiques. S'inscrivant dans le champ de l'histoire des idées, l'ouvrage retrace les ruptures et les périodes qui jalonnent ces transformations - des années 1830 à la fin de la Seconde Guerre mondiale - et reconstitue le processus de formation et d'adaptation des concepts liés à l'industrialisation de la culture, afin de mettre en lumière les conditions de leur valeur iconique.