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Jaujou Géraldine

PAUL ET MIKE







Extrait



Extrait du prologue

Rachid errait au bord du canal de l'Ourcq. Le vent soufflait, la pluie menaçait, les nuages gris défilaient dans le ciel sans discontinuer; humidité omniprésente, jusque sur les pierres du pont, jusque sur la surface en acier des rails de chemin de fer. Le mois de mars n'était que grisaille, images noires. Le black-out avant le printemps, l'obscurité avant l'aube. Pour quelle aube ?
De temps en temps, Rachid calait ses pieds sur le rebord du canal et regardait l'eau avec obstination. Il essayait de vaincre sa peur. Les passants le toisaient avec crainte, redoutant qu'il ne se jette à l'eau. Ils accéléraient le pas dans son dos - trop froid pour plonger -, mais c'était mal connaître Rachid : il détestait l'eau ; il abhorrait son contact; son hygiène ne supportait que de minimalistes ablutions au bain-douche du quai de la Gironde.
Cette phobie remontait à sa première mission en Algérie. Engagé par la police des polices, à vingt-cinq ans et pas peu fier. Ses collègues lui avaient prédit une carrière fulgurante. Embrasser la main du pouvoir, la servir avec une confiance aveugle pour que fortune soit faite. Il y avait cru. Il n'avait pas vu qu'il était la brebis que l'on mène à l'abattoir pour les fêtes. L'Aïd de la malchance. Parce qu'il en fallait une pour le sacrifice. De la chair de jeune sans cervelle.
Il avait suivi les ordres à la lettre. Il s'était fait engager comme maître-nageur dans cette grande villa au bord de la mer à Oran. Le maître des lieux, le bey Mohamed était suspecté de faire de l'ombre au Président et de plonger ses mains dans des trafics qui manquaient de clarté. Dans un premier temps, il n'avait rien trouvé. La cam' circulait entre les employés, mais ça n'avait rien d'extraordinaire dans ces quartiers riches. Pas de quoi déclencher le grand boxon que voulait la police des polices.
Jusqu'à ce qu'il repère ces deux gars un peu potelés, lunettes ray-ban, tout le temps fourrés dans la grande demeure du bey. Il avait cru que c'était des employés de la sécurité. Puis il avait remarqué les rayures verticales sur le côté des pantalons. Avec ses vingt-cinq ans bien trempés, il avait senti que les prises étaient là. Ils avaient la gueule de l'emploi. Flics pourris venant assister aux fêtes du bey, toucher de la femme et du fric pour quelques heures de coopération et d'informations. Boutons de chemise tendus sur des poitrails épais, sûr, les affaires prospéraient.



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EAN
9782366510522
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