Maisons perdues

Heinich Nathalie

MARCHAISSE

NOTE LIMINAIRE

Un jour, j'ai eu envie d'écrire sur les maisons que j'ai fréquentées, et qui ont disparu de ma vie, exactement comme des gens qu'on a aimés, qui ont énormément compté pour nous, et puis qui sortent de nos existences, pour telle ou telle raison. Ces maisons - comme ces gens - nous ont façonnés, elles sont à l'intérieur de nous, psychiquement, de même que nous avons été à l'intérieur d'elles, physiquement. Ce sont des souvenirs sensoriels et émotionnels, mais aussi des formes qui ont contribué à dessiner nos vies. Nous le savons intimement, mais il est difficile d'en parler, d'expliquer - beaucoup plus difficile que d'expliquer pourquoi telle ou telle personne nous a marqués. Ces maisons, elles continuent à nous habiter, même lorsque nous avons cessé, nous, de les habiter.
Mais l'expérience de la maison est au-delà de la question de l'habitat. Peut-être parce qu'une maison a des racines qui l'enfoncent dans la terre et des ailes qui la tirent vers le ciel, comme un arbre. Parce qu'elle est un tout et non pas une partie. Et parce qu'elle n'abrite pas seulement une personne, un couple, une famille nucléaire, mais presque toujours une famille élargie, dans la succession des générations. C'est pourquoi l'histoire des maisons qui ont jalonné la vie d'une personne est aussi l'histoire de toute une famille, de toute une génération, voire de toute une époque: dans mon cas, l'histoire compliquée et parfois dramatique de deux familles - paternelle, maternelle - en même temps qu'une histoire de cette époque particulière qu'on a appelée les «Trente Glorieuses» - ces années qui regardaient si résolument vers l'avenir, faute de pouvoir se retourner sur un passé récent devenu proprement irregardable, insupportable. Inhabitable.
Maisons perdues n'est pas seulement un récit de maisons, une autobiographie par les toits, un essai pour rendre justice à la force, à la grâce des maisons: c'est aussi un récit de pertes, un éventail des différentes façons d'avoir eu, connu, aimé une maison, et de l'avoir perdue. Car autant nous avons de maisons dans nos vies, autant ou presque autant en portons-nous le deuil, au plus intime de nous-même - un deuil à peine partageable. C'est ce partage presque impossible - le partage du deuil des maisons - que j'ai eu envie de tenter ici.
Ce livre n'est pas un livre de sociologie, même si le lecteur attentif pourra, probablement, y trouver quelques traces d'une sensibilité sociologique. La logique aurait donc voulu que je ne le signe pas de mon nom, qui est celui d'une sociologue. Mais sa nature est trop résolument autobiographique pour autoriser tant le recours à la fiction que l'usage d'un pseudonyme; et s'agissant d'une autobiographie en partie collective, il engage des personnes dont le nom est d'autant moins négociable qu'elles ont, pour certaines, disparu. Quoique perdues pour moi, ces maisons demeurent donc bien celles sans lesquelles je ne serais pas la personne et l'auteur que je suis, et qui signe

Nathalie Heinich


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EAN
9782362800283
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