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L'apprenti

Gerritsen Tess ; Martinache Jacques

PRESSES CITE

Extrait du prologue:

Aujourd'hui, j'ai regardé un homme mourir.
C'était un événement inattendu et je m'étonne encore qu'il se soit déroulé à mes pieds. Dans nos existences, une grande partie de ce qui passe pour de l'émotion est imprévisible et nous devons apprendre à profiter du spectacle quand il survient, à apprécier les rares moments d'excitation qui ponctuent l'écoulement monotone du temps. Mes jours passent en effet lentement ici, dans ce monde ceint de murs où les hommes ne sont que des matricules, différenciés non pas par leur nom, ni par un talent accordé par Dieu, mais par la nature de leur faute. Nous portons les mêmes vêtements, avalons les mêmes repas, lisons les mêmes livres cornés pris sur le même chariot de la prison. Chaque jour est semblable aux autres. Et puis un incident surprenant nous rappelle que la vie peut basculer en un rien de temps.
C'est arrivé aujourd'hui, le 2 août, une journée superbe, chaude et ensoleillée comme je les aime. Tandis que les autres détenus transpirent et traînent les pieds comme du bétail léthargique, je me tiens au centre de la cour, le visage tourné vers le soleil tel un lézard absorbant la chaleur. Comme j'ai les yeux clos, je ne vois pas le coup de couteau, je ne vois pas l'homme vaciller en arrière et tomber, mais j'entends un grondement de voix agitées et j'ouvre les yeux.
Dans un coin de la cour, un homme gît, ensanglanté. Tous les autres reculent et affectent l'habituel masque d'indifférence j'ai-rien-vu-je-sais-rien.
Moi seul m'avance vers l'homme à terre.
Un moment, je me tiens debout près de lui et le regarde. Ses yeux sont ouverts, ils bougent. Pour lui, je ne dois être qu'une forme noire qui se découpe sur le ciel aveuglant. Il est jeune, avec des cheveux blonds presque blancs, une barbe à peine plus épaisse que du duvet. Il écarte les lèvres et une mousse rose sort de sa bouche. Une tache rouge s'élargit sur sa poitrine.
Je m'agenouille et déchire sa chemise pour dénuder la plaie, qui se trouve juste à gauche du sternum. La lame s'est glissée proprement entre les côtes et a sans aucun doute perforé le poumon, peut-être entaillé le péricarde. La blessure est mortelle et il le sait. Il tente de me parler, remue silencieusement les lèvres, s'efforce d'accommoder. Il veut que je me penche davantage vers lui, peut-être pour que je puisse recueillir une confession d'agonisant, mais je ne suis pas du tout intéressé par ce qu'il peut avoir à dire.
Je préfère me concentrer sur sa blessure. Sur son sang.
Je connais bien le sang. Je connais jusqu'aux moindres de ses éléments. J'en ai manipulé d'innombrables tubes, j'ai admiré ses diverses nuances de rouge. Je l'ai transformé dans des centrifugeuses en colonnes bicolores d'amas de cellules et de sérum couleur paille. Je connais son éclat, sa texture soyeuse.
Je l'ai vu couler en flots satinés d'une peau fraîchement incisée.
Le sang s'épanche de son torse comme l'eau d'une source sacrée. Je presse ma paume sur la plaie, baigne ma peau dans cette chaleur liquide et le sang recouvre ma main comme un gant écarlate. Il croit que je cherche à le sauver et un bref éclair de gratitude illumine ses yeux. Très probablement, cet homme a rarement été l'objet de compassion dans sa courte vie. Quelle ironie que je sois pris pour l'image de la pitié!
Derrière moi, des bottes piétinent, une voix éructe un ordre:
- En arrière! En arrière, tout le monde!


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EAN
9782258062221
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