Lire l'art contemporain. Dans l'intimité des oeuvres

Ewig Isabelle - Maldonado Guitemie

LAROUSSE

Introduction

Lire l'art contemporain, comme on le dit d'une langue étrangère: non que l'art nous soit plus étranger aujourd'hui qu'hier, il nous est seulement moins familier et cela n'est pas le moindre de ses paradoxes vu qu'il nous est immédiatement contemporain. Moins familier parce que plus divers - du point de vue de ses sujets, de ses formes et de ses techniques - depuis que les artistes ont cessé de se conformer à un système de conventions préétablies. Les artistes du XXe siècle en effet se sont plu à subvertir les règles existantes pour inventer leurs propres règles du jeu, reformulant sans cesse les termes du contrat qui lie l'oeuvre au spectateur. Il s'agit pour celui-ci, s'il veut participer, de s'initier aux données et aux principes, de saisir les enjeux, de démasquer enfin les stratégies et les ruses. Cette initiation n'a rien d'une épreuve, elle s'accomplit dans la fréquentation des oeuvres et l'apprentissage de quelques rudiments, auprès des historiens de l'art, des critiques et des artistes. Cela vaut pour toutes les formes d'art contemporain, jusqu'à ses réalisations les moins immédiates, dont celles de l'art conceptuel. L'un de ses tenants, Lawrence Wiener, formulait la simplicité de l'entreprise: «Vous parlez de niveaux, alors qu'il s'agit simplement de connaître les règles du jeu. Et ces règles sont accessibles à tout le monde, faciles à acquérir. Si vous vous trouvez dans un port, vous voyez des drapeaux se lever ou s'abaisser, des lumières clignoter, et vous ne savez pas ce que tout cela signifie. Mais si vous lisez un livre de marine, vous arriverez à maîtriser le code en moins de deux mois. L'art, c'est pareil: vous lisez quelques livres et en quelques mois, vous en comprenez le langage. Cela n'a rien d'un langage privé» (entretien avec Irmeline Lebeer, 1973).
C'est dans cet esprit que Lire l'art contemporain a été conçu: poser quelques règles du jeu valables, à condition de les envisager dans leurs variations, du début du XXe siècle jusqu'aux premières années du XXIe. Dès lors l'approche n'est plus chronologique mais propose différents angles pour aborder les oeuvres, depuis leur conception jusqu'à leur perception, diverses opérations qui constituent l'expérience de l'art comme un dialogue, une action réciproque, entre le spectateur et les oeuvres, tant sur le plan perceptif qu'analytique. En présence d'une oeuvre, le visiteur cherchera d'abord à la caractériser, en s'appuyant sur les indications données par le cartel - dans l'aller-retour entre ce qu'il lit et ce qu'il voit se dessine l'entreprise de subversion des catégories et des classements opérée par les artistes. Désorienté par la nouveauté, il tentera de se rappeler: de l'histoire de l'art en regard de laquelle l'oeuvre se situe, des sources d'inspiration auxquelles elle puise, depuis les arts extra-occidentaux jusqu'aux découvertes scientifiques. Alors, il se demandera ce dont l'oeuvre l'informe: d'elle-même quand elle ne représente rien et, même alors, d'un contexte historique, social voire politique; d'un sujet extérieur à elle que toujours elle met en forme. Et pour saisir les moyens de son expression, il tentera de comprendre comment elle est faite et quelles intentions ou quelles stratégies se dissimulent derrière ces choix et ces inventions techniques. Mais avant tout il lui faudra la regarder, d'autant plus qu'elle le sollicite activement, et ne jamais oublier qu'elle est montrée dans un cadre et dans un discours qui en orientent la perception et la compréhension. En ses différents chapitres, cet ouvrage entend accompagner chacune de ces opérations dont il invite à prendre la mesure: lire sur l'art contemporain pour mieux faire l'expérience des oeuvres.

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EAN
9782035893628
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