Léguer, hériter

L'héritage est un objet social particulièrement révélateur du fonctionnement des sociétés et de leurs transformations. C'est ce que montre le livre pluridisciplinaire et très accessible, fruit d'une initiative de la Fondation pour les sciences sociales. Ses auteurs montrent ainsi que l'héritage ne se réduit pas à un mécanisme économique et juridique, car la transmission participe de l'épaisseur des liens sociaux, elle les renforce ou les érode.
À partir de cas concrets couvrant une variété d'époques et de pays, ce livre explique comment l'évolution des pratiques de transmission recompose les relations entre familles et individus, comment elle raffermit les solidarités ou, au contraire, accroît les inégalités.
L'approche historique met en évidence en France les liens de l'héritage et de la définition d'une classe comme la noblesse, mais aussi la part de liberté qu'il comporte, dont les paysans ont su se servir depuis longtemps. L'héritage a renforcé la famille étendue mexicaine malgré les migrations, et les plus pauvres des Argentins choisissent un héritier parmi ceux qui les aident : aussi limité soit-il, le patrimoine des pauvres est une sorte d'assurance vieillesse.
Affaire matérielle s'il en est, l'héritage est dominé par le rapport à la mort : les produits viagers proposés par les banques n'ont pas le succès attendu, du fait d'une répugnance profonde à jouer aux dés avec la date de sa propre mort ; et on lègue une part de ses biens à une institution culturelle pour atteindre une immortalité symbolique.
Les auteurs révèlent également qu'en France, le triomphe des valeurs d'égalité et d'autonomie dans le couple conduit à faire patrimoine à part : le nombre des contrats de mariage s'accroît. Mais les hommes gagnant plus que les femmes, les écarts de patrimoine se creusent et ces inégalités se transmettent plus nettement entre les générations. La passion de l'égalité se retourne alors contre elle-même avec l'individualisation des patrimoines et des successions.
 
La Fondation pour les sciences sociales (), placée sous l'égide de la Fondation de France, a été créée en 2011.
Elle a pour objet de susciter et de faire connaître à un public large des travaux de haut niveau académique, ancrés dans une solide démarche de recherche empirique, et de favoriser un débat argumenté autour de ces travaux. Elle s'intéresse à toutes les disciplines des sciences sociales, entendues au sens le plus large.