Topiques sinaïtiques. Tome 4, La justice, le droit et la vie

Draï Raphaël

HERMANN

Extrait de l'introductionL'esprit du DécalogueLa révélation sinaïtique ne fut pas un événement mystique, mettant en contact ineffable et indicible le Dieu, créateur du ciel et de la terre, et ses créatures réduites à leur plus diaphane expression. La révélation du Sinaï fut un événement collectif, attesté en tant que tel par pas moins de 600 000 témoins, profondément unis, et aboutissant à la proclamation pour le genre humain, par l'intermédiaire de cette communauté de témoignage, d'une Loi, énoncée en dix Paroles comportant autant d'injonctions, soit de faire, soit de s'abstenir. La Bible propose deux versions de ce qu'il est convenu d'appeler le Décalogue. La première est exposée au livre de L'Exode (Ex, 20, 2 et sq.), et l'autre dans le Deutéronome (Dt, 5). Entre ces deux versions, les variantes sont patentes et toutes comportent une signification singulière qu'éclairent les commentaires de la Tradition juive qualifiée ici précisément de sinaïtique pour faire droit, cette fois, à la chaîne de transmission qui en est récapitulée dès l'introduction des Pirkei Avot, des «Chapitres des Pères». Pourquoi le relever aussitôt? Parce que selon cette Tradition exégétique, si la version du Deutéronome concerne les Bnei Israël es qualités, au moment où ils vont passer le Jourdain, la version de L'Exode concerne, elle, l'ensemble de l'humanité parce qu'elle concerne les modalités d'existence de l'univers, en général, et de l'humain en particulier. Aucune configuration cosmique ne peut durer si elle s'expanse indéfiniment, sans des périodes d'étayage. Sinon elle aboutit à une dissipation de ses formes et une dégradation de sa substance qui finissent par l'effacer du réel, à quelque échelle qu'on le perçoive et qu'on le conçoive. Partant, aucune terre ne peut continuer d'être féconde si l'humain qui la foule et qui l'exploite la dévore sans cesse et l'épuise sans répit; et de même encore, aucun être humain ne peut vérifier qu'il soit un vivant, parlant et pensant, s'il ne ménage pas dans le temps de son existence celui qui permettra à sa pensée et à son âme de se manifester.Les polémiques multiséculaires qui se sont développées et infectées entre juifs et chrétiens depuis la séparation de leurs voies et chemins a donné de la Loi juive une image non seulement injuste mais proprement incompréhensible et cela sur deux plans. D'abord en l'opposant à l'amour évangélique et en opposant à la stérilité du littéralisme rabbinique la vitalité de la parole enseignée par Jésus et par les Apôtres. Il suffit d'ouvrir le livre réputé le plus ritualiste du Pentateuque, le Lévitique, pour constater que c'est en son chapitre 18 que se trouve énoncé le principe des principes: «Et tu aimeras ton prochain comme toi-même». Quant à l'opposition de la Loi, toujours qualifiée péjorativement de «juive», et de la Foi, summum de la prédication chrétienne, il suffit là encore d'ouvrir Le Pentateuque pour constater qu'elle est particulièrement spécieuse; que la foi, que la émounah, est une donnée immédiate de l'être juif sinaïtique, et que la Loi la conforte au lieu de l'entraver. Pareille polémique, outre ces deux premiers traits caractéristiques, reste particulièrement énigmatique. Pourquoi s'en prendre à la Loi? La défigurer pour les besoins de la cause ne saurait en transformer le contenu. Soulignons-le de plusieurs traits: prétendre l'abolir sous prétexte qu'elle serait dépassée, ou accomplie - un tel jeu de mots n'est pas forcément du meilleur aloi - cela signifie-t-il que le règne de l'amour fût déjà établi au point de confondre le prêche à son sujet et le réel qui l'invalide? Pareille volonté d'abrogation recèle une zone bien obscure. (...)

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EAN
9782705682996
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