Fichus

Derrida Jacques

GALILEE

Qu?est-ce qu?un «fichu», en bon français ? Que nomme le nom «fichu» ? Et que voulons-nous dire encore, à travers l?adjectif ou l?attribut, quand nous soupirons «je suis fichu», «nous sommes fichus» ? Le 22 septembre 2001, Jacques Derrida reçoit à Francfort le prix Adorno et prononce alors le discours d?usage. Onze jours après le 11 septembre, qui fut aussi la date de naissance d?Adorno, on sait dès les premiers mots que le propos sera politique et que, misant sur la riche équivoque des mots français fichu, fichus, Jacques Derrida traitera de la grande question du rêve, de l?idiome national, de la langue étrangère et de la langue du rêve, de l?héritage français d?Adorno, des rapports entre Adorno et Benjamin. La note est donnée par les trois premiers paragraphes de la conférence. Le premier fut prononcé en allemand : Je vous en demande pardon, je m?apprête à vous saluer et à vous remercier dans ma langue. La langue sera d?ailleurs mon sujet : la langue de l?autre, la langue de l?hôte, la langue de l?étranger, voire de l?immigrant, de l?émigré ou de l?exilé. Qu?est-ce qu?une politique responsable fera du pluriel et du singulier, à commencer par les différences entre les langues dans l?Europe de demain ? et à l?exemple de l?Europe, dans la mondialisation en cours. Dans ce qu?on appelle de façon de plus en plus douteuse la mondialisation, nous nous trouvons en effet au bord de guerres qui sont moins que jamais, depuis le 11 septembre, sûres de leur langue, de leur sens et de leur nom. En exergue à ce modeste et sobre témoignage de reconnaissance, permettez-moi de lire d?abord une phrase que Walter Benjamin un jour, une nuit, rêva, lui, en français. Il la confia en français à Gretel Adorno, dans une lettre qu?il lui adressa le 12 octobre 1939, depuis la Nièvre où il se trouvait interné. Cela s?appelait alors en France un Camp de travailleurs volontaires. Dans son rêve, qui fut, à l?en croire, euphorique, Benjamin se dit ceci, en français donc : «Il s?agissait de changer en fichu une poésie.» Et il traduit : «Es handelte sich durum, aus einem Gedicht ein Halstuch zu machen». Tout à l?heure, nous caresserons ce «fichu», cette écharpe ou ce foulard. Nous y discernerons telle lettre de l?alphabet que Benjamin crut y reconnaître en rêve. Et «fichu», nous y viendrons aussi, ce n?est pas n?importe quel mot français pour dire écharpe, châle ou foulard de femme. Rêve-t-on toujours dans son lit ? et la nuit ? Est-on responsable de ses rêves ? Peut-on en répondre ? Supposez que je rêve.

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EAN
9782718605838
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