Buddy Longway Intégrale 4 : Loin de siens

DERIB

LOMBARD

Bien entendu, Chinook est plutôt confinée aux tâches ménagères, tandis que la stature de Buddy le cantonne aux besognes les plus physiques de la maison... Ni l'un ni l'autre ne semblent toutefois souffrir des rôles qui leur sont dévolus. La répartition des responsabilités paraît naturelle et contribue à créer une tendre harmonie entre eux.De nos jours, ce modèle serait montré du doigt. Replacé dans le contexte historique de la série, il constitue une vraie révolution féministe! Pensez donc: non seulement Buddy se marie avec une squaw, mais il lui offre en plus une considération à laquelle n'importe quelle femme n'aurait jamais osé prétendre de son conjoint, indien ou pas!... Ni potiche, ni bonniche, Chinook endosse un rôle de compagne à part entière auprès de Buddy, et c'est toute l'existence de chacun qui s'en retrouve alors enrichie.Certes, on vient d'en faire la démonstration: quand on les replace dans leur époque, le XIXe siècle, Buddy et Chinook étaient féministes bien avant l'heure... Mais qu'en était-il des relations entre hommes et femmes dans la bande dessinée lorsque leur couple a été formé, à l'aube des années 70?Le paysage social avait bougé. Quelques années plus tôt, le MLF avait sévi, et plus rien ne semblait pouvoir arrêter la chute des dernières barricades sexistes. En offrant à ses lecteurs des personnages féminins forts, la bande dessinée commençait seulement à suivre le mouvement en marche. A Seccotine (comparse de Spirou et Fantasio chez Franquin), à la maman de Boule (propriétaire du chien Bill chez Roba), à la Castafiore (insupportable diva chez Hergé), à Nadine (partenaire de Rie Hochet chez Duchâteau et Tibet) ou à Pompon (copine de Modeste chez Goscinny et Franquin), succédaient des héroïnes de papier aussi résolues que frivoles telles que Natacha (hôtesse de l'air chez Walthéry), Laureline (agent spatiotemporel avec Valérian chez Mézières et Christin), Yoko Tsuno (électronicienne japonaise chez Leloup), Comanche (exploitante d'un ranch chez Greg et Hermann), ou encore Colombe Tiredaile (compagne d'Olivier Rameau chez Greg et Dany). Entre les deux, en 1962, Forest avait fait de son affriolante Barbarella une sorte d'ovni intersidéral et, en 1966, Peellaert avait fait de sa sulfureuse Jodelle une icône psychédélique du pop art... À chaque fois, des héroïnes ambivalentes, trop ou pas assez sexuées... jamais vraiment tout à fait femmes, en somme. Seuls peut-être, Giraud et Charlier feront, dès 1973, de leur Chihuahua Pearl, l'aimée de Blueberry, une femme à la personnalité affirmée, un personnage avec une place bien à elle. C'est dire le manque d'expérience en la matière de nos dessinateurs d'alors, bridés par les différentes commissions de censure pour les publications destinées à la jeunesse. Pas encore vraiment à l'aise avec «ça». Il faudra attendre le début des années 90 pour que des Gibrat ou Loisel proposent à ces actrices de papier des rôles à la mesure des femmes de la vraie vie. Avant eux, Cosey ou Yslaire avaient montré la voie... Mais finalement, Derib n'était-il pas, au travers de Chinook, le vrai précurseur de cette dynastie d'héroïnes tout simplement plausibles?

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EAN
9782803628285
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