Jules Verne, l'enchantement du monde

Extrait

Préface de Jean-Paul Dekiss La complicité de Michel Serres avec Jules Verne est ancienne et accompagne son imaginaire dans des directions, scientifiques et littéraires, que souvent l'histoire contemporaine oppose. Alternativement durant deux siècles, les imaginaires scientifiques et littéraires se sont rejoints puis séparés en catégories et spécialités distinctes. Ces catégories n'ont pas toujours eu des frontières tranchées ainsi qu'elles sont apparues au XXe siècle et Jules Verne, le dernier peut-être des encyclopédistes, tente de faire la passe entre deux mondes qui se divisent. Depuis Jules Verne et au-delà des apparences, les facettes inattendues de notre univers sont révélées par les savants comme par les écrivains qui nous dévoilent des réalités scientifiques et humaines prêtes à nous enchanter. Roland Barthes avait souhaité rapprocher dans une science de la littérature ces imaginaires de la raison et des sentiments en harmonies nouvelles. Son propos est resté en suspens. Michel Serres a consacré jusqu'à ce jour trente-six livres à chercher cette voie où science et connaissance de l'homme sont unies dans la compréhension de sa présence sur la planète. La science, dans la vie comme dans la littérature, c'est voir différemment une fleur, une goutte d'eau, un être vivant... c'est voir en toute chose le lien aux autres êtres vivants... le lien aux autres choses, un lien humain aux autres humains. Lorsque notre imagination parvient en résonance avec notre savoir, lorsque recherches scientifiques et littéraires trouvent leur fonction dynamique, la société redonne l'espoir d'un monde émancipé. Le progrès sans le fatras des illusions est la possibilité pour chacun de mieux connaître, pour se l'approprier, sa part du monde. La recherche du bonheur peut-elle s'effectuer par l'observation commune et partagée des phénomènes scientifiques et humains ? Ces conversations en cherchent à évaluer les réponses à cette question à un siècle de distance : Jules Verne (1828-1905) et Michel Serres. Tous deux transmettent aux générations qui le suivent nos mythes, nos réalités, nos sens littéraux et symboliques du monde pour dire l'humanité actuelle apparente et sous jacente. Le dernier mot en est aussi celui que Ray Bradbury met dans la bouche de Jules Verne au terme de son entretien imaginaire avec lui. Après avoir une fois encore formulé l'espoir de voir les générations futures mieux éduquées à la connaissance que les précédentes, Jules Verne, avant de se détourner et de disparaître sur la plage déserte, conclut : Transmettez !