Voix sans issue

Une jeune femme s'éprend d'un homme amoureux d'une autre, une autre qu'elle trouve très belle, "belle comme un ange", dit-elle. Dans la vie, cette jeune femme travaille à Paris, à la gare du Nord. Tous les jours invisible, elle parle dans un micro, elle annonce les horaires et les voies. Elle accompagne le départ, l'éloignement, la séparation ou l'espoir. Mais cette voix sans visage sait aussi entendre ceux qui, plus bas, marchent sur la grisaille des quais ou dans l'indifférence des villes. Dans le métro, elle voit un homme mourir en silence. Aux abords du forum des Halles, elle sait où se trouve la frontière, cet au-delà où le tragique côtoie la violence. La jeune femme vit bien là, au centre de cette métropole, en équilibre précaire et sans jamais évincer la misère, louvoyer, faire semblant, se corrompre ou devenir aveugle. Pour séduire celui qu'elle aime, elle ne fera pas non plus de cinéma, pas de jeu de rôle, aucune concession. Capable de souffrir, elle saura attendre, être seule, mais lorsqu'un ami de "l'ange" lui demande ce qu'elle fait dans la vie, lorsque le dîner où elle a été conviée tourne à la comédie bourgeoise, elle n'hésite pas à se dire prostituée et à aller jusqu'au bout du rôle...
Un premier roman remarquable. Céline Curiol, qui n'a pas trente ans, décrit dans ce livre les relations amoureuses, la difficulté d'être et l'ambiguïté des sentiments avec une maturité et une clairvoyance rares. Elle porte ses personnages au coeur de la tragédie de nos cités modernes et met en scène le pathétique de nos vies exemplaires. Mais aussi et surtout Céline Curiol parle avec humour de l'amour, de la passion et du féminin parfois fragile face à une certaine lâcheté si masculine.