Femmes, économie et développement. De la résistance à la justice sociale

Guérin Isabelle - Hersent Madeleine - Fraisse Laur

ERES







Extrait

Extrait de l'introduction d'Isabelle Guérin, Madeleine Hersent et Laurent Fraisse Cet ouvrage est né d'un constat, partagé à la fois par des praticiens et des chercheurs : alors que les inégalités entre hommes et femmes font preuve d'une résistance remarquable, une multitude d'initiatives locales animées par des femmes mêlent actions économiques et solidarités en vue d'un accès plus juste aux droits économiques, sociaux et politiques de base. Les femmes créent des services collectifs de restauration : c'est le cas par exemple des comedores populares (cantines populaires) en Amérique latine et des restaurants collectifs mis en place en France dans les «quartiers». Elles se regroupent pour épargner et accéder au crédit (exemple des self-help groups indiens). Elles animent des mutuelles de santé (exemple du Sénégal ou de l'Inde). Elles se mobilisent pour produire, transformer ou vendre : coopératives de beurre de karité au Burkina Faso, d'huile d'argan au Maroc, de commerce équitable en Bolivie, groupements d'intérêt économique féminins du Sénégal. Dans la plupart des métropoles, elles s'organisent pour prendre en charge les questions d'assainissement et de récupération des déchets. Les femmes se mobilisent aussi pour défendre l'accès à des emplois décents et à la protection sociale : Self-Employment Women Association (SEWA) en Inde, Self-Employed Women Union (SEWU) en Afrique du Sud, Kormojibi Nari («Les travailleuses») au Bangladesh, Movimiento de Mujeres Trabajadoras y Desempleadas «Maria Elena Cuadra» (MEC) au Nicaragua, Sahabat Wanita Friends of Women et Tenaganita Women's Workforce Action Group en Malaisie, etc. Dans de nombreux pays du Sud, ces formes d'action collective ne sont pas nouvelles. Pour faire face à leurs multiples tâches domestiques et agricoles ainsi qu'à leurs obligations rituelles et religieuses, les femmes se sont toujours organisées. Quelle que soit l'ampleur des dominations patriarcales et de l'invisibilité publique des femmes, l'histoire révèle des formes ancestrales d'opposition (Wieringa, 1997), même si elles sont parfois fondées sur la dissimulation, la ruse et le contournement (Agarwal, 1994 ; Granié et Guétat-Bernard, 2006). Au cours des dernières décennies, des travaux d'historien(ne)s et de féministes, au Nord comme au Sud, ont redonné leur place aux mobilisations de femmes. Ordinairement «oubliées» par l'histoire classique, elles ont pourtant joué un rôle souvent essentiel de réforme économique, sociale et politique (Coquery-Vidrovitch, 1994 ; Duby et Perrot, 1991 ; Naples et Desai, 2002 ; Verschuur, 2009). Aujourd'hui ce sont d'autres formes d'actions qui sont menacées d'amnésie. Partout dans le monde, on observe que les femmes se mobilisent. Souvent en dehors des mouvements féministes reconnus et institutionnalisés, ces initiatives se veulent d'abord des réponses pragmatiques à des problèmes de vie quotidienne. Mais elles ont aussi pour spécificité de questionner les pratiques économiques, d'expérimenter des formes innovantes d'organisation et de production et de revendiquer des changements structurels.



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EAN
9782749212982
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