Jacques Sevin. Fondateur et mystique (1882-1951)

Extrait

Extrait de la préface de Mgr Benoît Rivière : Le scoutisme français est né d'une floraison d'initiatives qui, au début du XXe siècle, veulent donner à la jeunesse des chances de s'épanouir. Dans le diocèse dont je suis aujourd'hui l'évêque, au moment où le Père Sevin conduisait ses recherches sur ce qu'inventait Baden-Powell, des éducateurs, prêtre comme le Père FERRET à Charnay-les-Mâcon, ou laïc comme Louis FAURE, au Creusot, dès les années 1910, faisaient naître des «scouts à la Baden-Powell» et à la manière de l'Évangile. Un diocèse de province avait déjà ses initiateurs. Et ces scouts avant les scouts, si l'on peut dire, ont été, localement certes mais réellement, «scouts toujours» puisqu'on les a retrouvés, des décennies plus tard, dans les Équipes Notre-Dame, les Chanteurs À Coeur Joie, les équipes paroissiales, engagés dans la gestion des communes, etc. On reconnaît l'arbre à ses fruits. Et je ne peux oublier que l'un de mes prédécesseurs, le Père Armand-François Le BOURGEOIS, avant d'être supérieur général des eudistes, a été, de 1947 à 1953, aumônier général adjoint des Scouts de France, plus spécialement des «Pionniers». Il a aussi accompagné le mouvement qui renaissait en Afrique du Nord, en Afrique noire et en Amérique. C'est dire que je me sens historiquement engagé dans cette aventure où ce qui est en jeu, ce sont les jeunes et l'avenir de leur croissance humaine dans la liberté qu'ouvrent la nature et la culture, ou, pour le dire en termes chrétiens, la Création et la Révélation. Le centenaire du scoutisme célébré cette année, et ce travail fait partie de la célébration, ouvre l'opportunité de mieux découvrir la part essentielle qui a été celle du père Jacques SEVIN dans la naissance et le développement du scoutisme catholique en France. Baden-Powell, militaire anglais, protestant, ne disait-il pas lui-même de son ami jésuite français éduqué en Belgique : «Celui qui a le mieux compris et réalisé ma pensée est un religieux français.» C'est dire à quel point il est impossible de disjoindre encore moins d'opposer, l'intuition éducative du fondateur du scoutisme, et la naissance du scoutisme catholique français. S'il n'est pas l'unique fondateur du scoutisme en France, c'est bien autour de ses écrits et de ses projets d'organisation que les initiateurs du scoutisme, en France, se sont entendus pour fonder la Fédération Catholique des Scouts de France. Sa pédagogie n'est pas la simple traduction en français du projet de Baden-Powell, mais une reprise totale christianisée, on pourrait dire «baptisée» de façon radicale. Pour le bien des scouts de France en effet, il s'agit de conduire à Jésus Christ par et dans le scoutisme. La préoccupation première du Père SEVIN est de mener à une grande profondeur spirituelle ceux qui veulent réellement vivre le scoutisme. À ceux qui, en lisant ce livre, prendront le temps d'une veillée silencieuse au coin du feu, se découvrira alors, dans la haute figure du père Jacques Sevin, l'humble compagnon de Jésus, au coeur brûlant de se donner par pur amour. Et si la famille des scouts catholiques en France s'est aujourd'hui diversifiée, elle se souviendra que son fondateur et, on peut le dire, son maître spirituel, a été un homme donné entièrement à la personne et au royaume du Seigneur Jésus. La première des Béatitudes s'adresse aux pauvres : aussi le scoutisme du père SEVIN, qui vit l'Évangile, privilégie la création de groupes s'adressant à des jeunes défavorisés par le manque d'éducation ou par la maladie. Il les appelait les «allongés» et il disait : «Les enfants que nous revendiquons comme étant les nôtres, ce sont ceux dont les Œuvres existantes ne veulent pas ou ne veulent plus.» Il importe peu ici de retracer le jeu complexe des influences politiques et des courants qui déchiraient l'Église en France durant ces années d'entre deux guerres et dont les projets du Père ont été parfois l'enjeu. Il convient de prendre acte, pour aujourd'hui, de cette intuition forte du père Jacques SEVIN qui a écrit et oeuvré parce que «le scoutisme est d'abord pour les enfants du peuple».