Revue d'histoire de la Shoah N° 193, juillet-décembre 2010 : Enseigner l'histoire de la shoah. franc

Lassitude, difficultés, obstacles et manifestations d?antisémitisme? Ces dernières années, la chronique a abondamment fourni de ces récits, évoqués à mots couverts sinon quasi honteux, de professeurs expliquant leur difficulté à enseigner « ce sujet ». Réalité de la France en 2010. Mais s?en tenir à ce seul constat occulterait l?essentiel : depuis vingt à trente ans, en France, les pouvoirs publics, les instances académiques, les éditeurs scolaires et les professeurs ont fait un réel effort pour mieux enseigner l?histoire de la Shoah. Une histoire qui soulève la question de la place des Juifs dans les manuels scolaires depuis la fin de la guerre, de la place du judaïsme et son contenu. Il apparaît bien vite qu?à l?exception du cours sur les Hébreux, la figure juive est placée sous le seul signe de la souffrance (pogroms, Inquisition, expulsions), de la victime (Dreyfus) et, bien sûr, de la Shoah. Comme si, par essence, l?être juif était l?incarnation du rejet dans un enseignement qui, pavé de bonnes intentions, apparaît irréfléchi. De là l?idée d?interroger les professeurs « de terrain » pour connaître leur avis et sonder leurs pratiques. Il y a en effet un monde entre les directives et programmes et les manuels, et entre ces derniers et le cours tel qu?il se déroule en classe. L?évolution des programmes depuis 1945 recoupe-t-elle les fractures chronologiques repérées dans la mémoire collective de la guerre, de Vichy et de l?Occupation ? Épouse-t-elle les inflexions de la mémoire juive perceptibles aux États-Unis et en Israël, les deux principaux foyers du judaïsme contemporain ? Comment les pays étrangers, en particulier européens, appréhendent-ils cet enseignement ? Comment, à la suite du travail des historiens, les regards ont-ils changé, le vocabulaire s?est-il précisé, la spécificité juive de l?événement a-t-elle été mieux perçue ? Dans le discours scolaire, depuis les années 1950, quel lien la catastrophe juive entretient-elle avec la naissance de l?État d?Israël ? Pourquoi enfin cet enseignement reflète-t-il les tensions non dites de la société française ?