OutreScène N° 14, mai 2013 : Réinventer des lieux de création ?

Benhamou Anne-Françoise

SOLITAIRES INT

Réinventer des lieux de création?Les théâtres sur lesquels se penche cette quatorzième livraison d'Outrescène sont très dissemblables, tant par leur statut institutionnel que par leur économie: le Théâtre de Vanves est un théâtre municipal, la Comédie de Valence un Centre dramatique national; le Studio-Théâtre de Vitry, l'Échangeur de Bagnolet, et le Théâtre-Studio d'Alfortville sont des inclassables, seuls dans leur genre... Mais ce qu'ils ont en commun - et qu'ils partagent avec deux autres lieux évoqués ici, "Un festival à Villeréal" et l'Institut d'études théâtrales appliquées de l'Université Justus Liebig de Giessen, en Allemagne - c'est le choix qu'ils ont fait de porter l'essentiel de leur attention au renouvellement de la création théâtrale. Chacun a cependant sa manière bien à lui de faire germer l'avenir: le Studio-Théâtre de Vitry se définit comme une sorte d'incubateur au sein de l'institution, tandis que le Théâtre-Studio d'Alfortville se voit à sa périphérie, sinon à sa marge, comme une façon de la questionner. À Vanves, comme à Vitry, ce sont les débuts qui sont encouragés: mais ils sont mis en valeur d'un côté par une programmation d'une richesse proliférante, de l'autre par la rareté des "ouvertures" au public; tandis qu'à Valence - avec de tout autres jauges et d'autres missions - on considère que le renouvellement de la création est indissociable de celui du public. Quant à l'Échangeur de Bagnolet, il se veut aussi bien un refuge pour des créations atypiques qu'un tremplin vers des théâtres à l'économie moins précaire... Du reste, la façon dont les artistes circulent entre les institutions les mieux dotées et des lieux à l'économie beaucoup plus fragile, selon les projets et les circonstances, est une des caractéristiques et peut-être une des richesses du réseau théâtral français.Ce sont ces circulations, cette porosité, qui expliquent pourquoi notre revue, née au Théâtre national de Strasbourg, et qui paraît désormais dans un autre théâtre national, s'intéresse aujourd'hui à des lieux dont certains peuvent sembler fort loin de ce que représente La Colline dans le paysage théâtral: parce que, tout simplement, nous fréquentons ces théâtres et sommes curieux de leur programmation, des oeuvres qu'ils défendent; et parce que ce réseau ne se regarde pas seulement du point de vue de la pyramide institutionnelle, mais de celui des connivences artistiques et éthiques, des liens, d'un certain type de confiance ou de partage qui fait que les artistes circulent de l'un à l'autre. Ainsi, dans ce numéro, on trouvera au fil de la lecture Lazare à Vitry et à Bagnolet, Sébastien Derrey à Bagnolet et à Vitry, Lise Maussion et Jeanne Candel à Valence, à Vanves et à Villeréal, Adrien Béal à Vanves et à Bagnolet, Sylvain Creuzevault à Alfortville et à Vanves, Caroline Guiela Nguyen à Valence et à Vanves - et ces deux derniers programmés à la Colline, dont la petite salle est désormais largement vouée à la découverte de jeunes artistes par le public. C'est aussi ce qui nous met à l'écoute de ce qui se passe dans des lieux où ces compagnies sont soutenues et protégées des contraintes qu'imposent à un théâtre national des jauges plus importantes et des séries plus longues de représentations.Les directeurs ou "programmateurs" qui s'expriment ici, on le verra, sont de véritables partenaires, d'autant plus importants peut-être pour des artistes presque à leurs débuts. Mais la réciproque est vraie: ces jeunes équipes emmènent les lieux qui les accueillent dans une dynamique d'autant plus intéressante qu'ils ne se sont pas encore adaptés à un fonctionnement calibré. Au fond, le vrai dénominateur commun des théâtres dont nous avons choisi de parler, c'est peut-être leur désir d'être ainsi traversés par une énergie de création qui bouleverse leur système, de laisser place à l'art pour rester des structures vivantes.Nous avons aussi souhaité que dans un numéro consacré aux lieux de création, la question de l'École soit abordée: dans l'histoire du théâtre d'art, les écoles ont régulièrement été des endroits de fermentation, de rénovation, de réinvention. Heiner Goebbels, directeur artistique de l'Institut d'Études théâtrales appliquées de Giessen, défend ici l'idée de l'École comme un "laboratoire pour le théâtre de l'avenir", plutôt que comme un dispositif de formation professionnelle ou de transmission artisanale.Enfin, il nous a semblé juste de donner une place à des gestes artistiques qui parlent à leur manière des lieux de théâtre: sont relatées ici deux performances provocatrices, l'une réalisée par l'auteur québécois Olivier Choinière avec Éric Forget en 2011 - un "hacking théâtral"; l'autre en 1997 par le metteur en scène allemand Christoph Schlingensief, mort prématurément en 2010. Si malgré leur aspect anti-institutionnel polémique, nous les avons incluses dans ce numéro qui met plutôt en valeur la capacité de l'institution à se renouveler, c'est pour rendre hommage au principe de désordre que l'art introduit dans la culture - à la zone secrète de turbulence sur laquelle sont bâtis les édifices de théâtre les plus solides.A.-F. B.

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EAN
9782846813389
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