En mémoire de Sophie Kessler-Mesguich

Baumgarten Jean - Costa José - Guillaume Jean-Patr

SORBONNE PSN

Extrait de l'avant-propos de Jean Baumgarten, José Costa, Jean-Patrick Guillaume et Judith Kogel

Ce volume est issu du colloque international «Hommage à Sophie Kessler-Mesguich», qui s'est tenu à Paris, au Musée d'art et d'histoire du judaïsme (MAHJ) les 28 et 29 novembre 2010. Cette manifestation, organisée par le MAHJ, le laboratoire d'Histoire des théories linguistiques du CNRS (UMR 7597) et l'université Sorbonne nouvelle, entendait avant tout rendre hommage à la haute stature scientifique de Sophie Kessler-Mesguich, à son rayonnement dans sa discipline - souligné, avec toute l'autorité qui est la sienne, par le Professeur Moshe Bar-Asher -, mais aussi à sa grande ouverture intellectuelle et à la variété de ses domaines de compétence. Point de thématique imposée, donc: les contributions que l'on lira ici sont les hommages de chercheurs qui, venus d'horizons différents, ont eu à coeur de refléter, chacun à sa façon, les différentes facettes de la personnalité scientifique de notre amie, et, ce faisant, de lui rendre un peu de ce qu'ils lui devaient.
L'hommage, toutefois, eût été incomplet s'il n'eût aussi évoqué les qualités humaines de Sophie Kessler-Mesguich. C'était une personne infiniment attachante, dont la générosité, la gaieté et le dynamisme suscitaient partout l'amitié. David Kessler pouvait, mieux que personne, trouver les mots pour dire combien elle nous manque.
Point de thématique imposée, disions-nous; mais cette diversité n'est pas pour autant synonyme de dispersion ou de disparate. Deux ou trois lignes de force parcourent les travaux rassemblés ici, que l'on voudrait tenter de dégager. L'histoire en est une, peut-être la plus générale: venue à l'hébreu par les lettres classiques, Sophie Kessler-Mesguich était particulièrement sensible à la profondeur historique de la langue et de la culture qu'elle avait choisi d'étudier et d'enseigner. C'est ce que rappellent les trois premières contributions, dans lesquelles René-Samuel Sirat, Katell Berthelot et Christian Julien Robin étudient quelques aspects de l'histoire du judaïsme dans l'Antiquité.
C'est toutefois la langue qui était au coeur des préoccupations de notre collègue. La langue comme instrument de communication sans doute, mais aussi comme voie d'accès à un héritage culturel riche et ancien; la langue comme objet de savoirs techniques spécialisés, mais aussi comme matière à rêverie, à fantasmes et à mythes. Et d'ailleurs, la frontière entre savoir positif et rêverie mythologique est-elle aussi claire et tranchée qu'on pourrait le penser? La «linguistique de théologiens» dont parle Jean-Pierre Rothschild n'apparaît-elle pas, à sa façon - pour peu qu'on en admette les présupposés - aussi rigoureuse dans sa démarche que celle des grammairiens? Et sa prégnance sur le long terme, l'écho qu'elle a rencontré chez certains auteurs chrétiens, ne récuse-t-elle pas l'étiquette de «linguistique fantastique» que nous serions tentés de lui imposer a posteriori?
Parler de langue(s) et de mythes nous conduit immanquablement au récit de Babel: dans des perspectives très différentes, José Costa, Irène Rosier-Catach et Sylvie-Anne Goldberg explorent quelques aspects de ce thème particulièrement fécond. Apparaît ici, comme d'ailleurs dans la contribution de Jean-Pierre Rothschild, une seconde ligne de force: l'interaction, au Moyen Âge et à la Renaissance, entre pensées juive et chrétienne. C'était, on le sait, un des aspects importants de la recherche de Sophie Kessler-Mesguich, qui avait consacré une partie de sa thèse et plusieurs de ses travaux aux hébraïsants chrétiens des XVIe XVIIe siècles. L'essai de Catherine Chalier vient clore cet ensemble de communications, en nous rappelant qu'entre l'«étude comme savoir» et «l'étude comme vie», entre la démarche scientifique du grammairien ou du philologue et la libre rêverie de l'«amoureux de la Torah», il n'est pas nécessaire de choisir.

23,00 €
Disponible sur commande
EAN
9782878545708
Image non contractuelle