Le peuple des tunnels (1900-1930)
Extrait de l'introduction
15 septembre 2011. Première ligne de ce livre. J'ai traîné un peu sur les bords du canal Saint-Martin, je me suis assise à une ou deux terrasses sans rien consommer, pour finalement m'installer dans un petit coin au bar-resto L'Atmosphère. J'aime bien le lieu, un bistrot d'angle un peu à l'ancienne. Son nom me semble dans le ton de l'histoire que je dois raconter. Paris, entre 1900 et 1930, les rues pavées, les omnibus à cheval, les calèches, les premières automobiles, les brasseries et leurs serveurs en livrée, les marchands de vins et de charbon, les bars à absinthe, les allumeurs de réverbères, les débuts du cinématographe... D'ailleurs deux photos sont accrochées au mur: elles datent de l'époque où les compagnies de bateliers transportaient encore les Parisiens sur les canaux et qui ont ensuite disparu, tout comme les compagnies de tramways.
J'ai lu le témoignage très émouvant d'un des tout premiers conducteurs de métro. Il avait 103 ans en 1999, quand quelqu'un a recueilli ses souvenirs. Il est mort aujourd'hui. Ça commence par cette phrase: «Le soir je transportais des allumeurs de réverbères.» J'aurais voulu en faire le titre de mon livre tellement je la trouve belle. Mais ça ne va pas coller, même en trichant. Dommage. Le soir donc, Raymond Grapazzy, né en 1896, transportait dans son métro des allumeurs de réverbères. «Ils déambulaient dans toute la ville, avec leur grande perche, pour éclairer la nuit des Parisiens. Sans eux et sans les becs de gaz, Paris serait devenu un véritable coupe-gorge et les noctambules n'auraient certainement pas profité à ce point des nouvelles animations qui faisaient battre le coeur de la capitale. Le théâtre, le cabaret et le cinéma encore tout jeune, avec ses informations en début de séance et son éclairage au gaz, connaissaient un succès fou, toutes origines sociales confondues. J'en ai conduit des prolétaires et des bourgeois qui se rendaient au "Coucou" et aux "Trois Baudets" pour entendre Souplex, Dranem, Maurice Chevalier et le "fou chantant" (Trenet)! Ils allaient volontiers danser aussi, du côté de République notamment. Quand je les ramenais chez eux, c'étaient des airs de tango, de valse, de cha-cha-cha, de java, de boston à tout va dans les wagons. Mais, pour les grandes occasions, comme les bals organisés en mairie (le smoking et la robe longue étaient alors de rigueur...), les Parisiens préféraient le taxi ou la voiture à cheval. Les crinolines, les chapeaux de feutre et les manteaux de renard s'arrangeaient plutôt mal de la saleté qui régnait dans le métro.» Quelle ambiance. Vous imaginez l'odeur? Sans compter la tuberculose d'un côté, les hygiénistes de l'autre (Haussmann avait déjà mis le paquet pour transformer Paris), la peur que généraient les microbes, l'air vicié et les saletés en tous genres. Le tout-à-l'égout n'était pas encore complètement en place et il y avait du crottin de cheval plein les caniveaux. On se lavait moins de toute façon, on avait moins de vêtements mais on en portait plus en même temps et on les gardait plus longtemps. Surtout, la plupart des gens n'avaient pas l'eau courante et la «fée électricité» n'avait pas fait son apparition dans les foyers. Les pompiers eux-mêmes étaient équipés de torches pour intervenir dans les coins sombres. On le voit sur certains dessins poignants qui ont fait la une des journaux lors du terrible incendie du 10 août 1903 à la station Couronnes, où 84 personnes sont mortes asphyxiées.
| EAN | 9782846792127 |
|---|---|
| Titre | LE PEUPLE DES TUNNELS (1900-1930) |
| Auteur | Fontaine Astrid |
| Editeur | GINKGO |
| Largeur | 170mm |
| Poids | 900gr |
| Date de parution | 10/01/2013 |
| Nombre de pages | 400 |
| Emprunter ce livre | Vente uniquement |











