Les huit chiens des Satomi

Yamada Fûtarô

PICQUIER

Le monde de la fictionDemoiselle Fusehime1An deux de l'ère Chôroku [1458] - autrement dit sous le règne de Yoshimasa, huitième shogun Ashikaga. L'année précédente, Ota Dôkan avait ordonné l'érection du premier château fort de la région du Kantô, au lieu-dit Edo. On était à la huitième lune: dans la province d'Awa, le château de Takita était sur le point de tomber.Ce soir-là, accompagné de son fils héritier Yoshinari, âgé de seize ans, et de ses deux intendants, le seigneur Satomi Yoshizane marchait dans la basse-cour du château. Bien qu'encore dans la trentaine, il s'aidait d'une canne. Non qu'il eût été blessé; il était affamé. De même ses trois compagnons qui chancelaient, pareils à des ombres humaines flottant au fond de l'eau.Assiégés depuis une décade, ils n'avaient eu de vivres que les trois premiers jours et, depuis, la garnison entière ne s'était autant dire rien mis sous la dent. C'est à se demander comment ils avaient pu résister jusqu'ici.Le vent qui soufflait à la pluie s'était levé quelque deux heures plus tôt et, à l'entour des quatre hommes, tout ondoyait comme s'ils s'étaient véritablement trouvés sous la surface des eaux. Scène lugubre, où ils rencontraient à chaque pas le cadavre d'un soldat tombé d'inanition ou en devinaient d'autres, encore vivants mais se mouvant en gestes indolents.- Impossible de tenter une sortie dans ces conditions, finit par lâcher Yoshizane d'une voix plaintive en se retournant vers ses intendants.Celui-ci parcourait le château depuis un moment afin de rassembler les hommes encore en état de combattre et de participer à l'ultime sortie, mais il lui avait bien fallu se rendre à l'évidence: la chose était absolument irréalisable.- J'en ai un chagrin infini, mais vous allez ordonner de se rendre à ceux qui sont encore assez valides pour quitter la place. Quant à nous autres, auparavant, nous allons nous éventrer.A ce moment, une voix féminine courroucée se fit entendre de derrière la tourelle vers laquelle ils dirigeaient leurs pas.- Yatsufusa, je te défends!Déboucha alors un chien, que poursuivait une femme.L'animal évoquait l'un de ces imposants lions de Chine en pierre flanquant l'entrée des sanctuaires, qui se fût animé et eût sauté au bas de son piédestal. Il n'en avait toutefois que les dimensions et la forme de la tête, car son poitrail, lui, laissait saillir les côtes.Quant à celle qui accourait derrière lui, elle apparaissait diaphane, évanescente. C'était l'aînée de Yoshizane, demoiselle Fusehime, dix-sept ans bientôt. A son cou pendait un chapelet aux grains blancs.Yoshizane s'adressa à elle:- Que se passe-t-il, ma fille?Elle répondit, le souffle court:- Yatsufusa a voulu dévorer la chair d'un guerrier mort et je l'ai tancé, Père.

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EAN
9782809703917
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