L'inde de demain

Kapur Akash

ALBIN MICHEL







Extrait



AVANT-PROPOS À L'ÉDITION FRANÇAISE

L'Inde dans laquelle j'ai entamé la rédaction de ce livre était très différente de l'Inde d'aujourd'hui. Lorsque j'ai conçu ce récit pour rendre compte du spectaculaire processus de transformation qui s'y opérait, le pays était d'humeur joyeuse. Et même : il exultait. Depuis peu, il avait enfin tourné le dos à plusieurs décennies d'apathie économique et de langueur des esprits. Il enregistrait une des plus fortes croissances économiques de la planète. Nous étions sur une pente ascendante, affirmaient nos responsables politiques, qui devait inévitablement nous mener à l'état de «superpuissance économique».
À travers tout le sous-continent, les gens avaient confiance en l'avenir et se sentaient invités dans l'ascenseur social. Les médias multipliaient les slogans optimistes, vantant le «rayonnement» de l'Inde, sinon son «avènement». Les villes se remplissaient de voitures neuves, d'immeubles de bureaux pimpants. En deux ans seulement, les rues de Pondichéry, la ville de mon enfance, s'étaient métamorphosées : ce petit coin perdu, somnolent, de l'Inde du Sud devenait un centre touristique et culturel prospère. Bon nombre de ses majestueuses villas coloniales françaises étaient reconverties en boutiques et en hôtels branchés (et souvent prétentieux). Les champs et les vergers des environs disparaissaient sous les projets de complexes résidentiels et d'écoles privées.
Quelques années plus tard, l'ambiance a indiscutablement changé. L'Inde est bien moins sûre d'elle. Avec le recul on comprend que son optimisme était prématuré, son exubérance superficielle. Durant toute la période où le pays a enregistré une croissance à deux chiffres, où l'argent et les compagnies étrangères ont afflué, une sorte de cancer couvait sous la surface.
Aujourd'hui, ce cancer se révèle aux yeux de tous. L'Inde est confrontée à une crise que même ses promoteurs les plus enjoués, ou les plus fanatiques, ne peuvent plus nier. La corruption atteint de nouveaux sommets, l'État est de moins en moins capable de maintenir l'ordre, l'environnement est horriblement menacé - terrassé par deux décennies d'idéologie de la croissance économique aux dépens de toute autre considération. Même l'économie, après avoir si bien et si longtemps prospéré malgré les nombreux problèmes structurels du pays, chancelle : le taux de croissance a chuté de moitié par rapport à sa valeur de 2005-2006 et les déficits sont insoutenables.
Au moment où j'écris cette préface, l'Inde se dirige vers de nouvelles élections législatives. Tout scrutin national est un événement monumental, dans ce pays, mais certains indicateurs donnent à penser que les élections de 2014 pourraient prendre une signification particulière. En effet, elles devraient contribuer à pousser l'Inde à réagir d'une façon ou d'une autre à la crise actuelle - et partant, définir l'avenir de cette nation pour plusieurs décennies.
Dans les médias nationaux comme internationaux, on fait grand cas du choix inhabituellement clair qui s'offre aux électeurs. La différence est frappante, c'est vrai, entre le parti du Congrès au pouvoir depuis 2004, aujourd'hui dirigé par Rahul Gandhi, et l'opposition incarnée par le parti Bharatiya Janata dont le leader, Narendra Modi, est chef du gouvernement de l'État du Gujarat. Pour l'électeur, affirment les journalistes, il s'agit de choisir entre la jeunesse et l'expérience, entre la laïcité et le nationalisme hindou. Un autre clivage, moins commenté mais peut-être plus important encore, existe cependant entre les candidats : les prochaines élections sont susceptibles d'accoucher de deux systèmes de développement très différents.
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EAN
9782226256829
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