La légende de Séville

Junco Antonio Del

ASSOULINE







Extrait

Introduction «Le pire n'est pas que les Sévillans pensent avoir la plus belle ville au monde... Le pire, c'est qu'ils ont peut-être raison.» - Antonio Gala, écrivain espagnol du XXe siècle Séville n'a pas de gratte-ciel, comme en a New York, mais elle a la Giralda : l'une des plus belles tours du monde, du sommet de laquelle la statue-girouette du Giraldillo contemple chaque soir le coucher du soleil. Séville n'a pas la mer, contrairement à Cadix, mais elle a le Guadalquivir, qui emplit l'air d'un parfum de sel et du cri des mouettes. Séville n'a pas les sept collines que possède Rome, mais elle a l'Aljarafe, aux pentes légères, d'où l'on peut contempler la ville nichée dans les luxuriants espaces verts qui longent le fleuve. Séville n'a pas les larges avenues bordées d'arbres de Pans - d'ailleurs, la ville n'est en grande partie qu'un labyrinthe. Pour découvrir l'esprit de cette cité vieille de trois millénaires, pour comprendre son caractère, pour s'expliquer la fascination particulière qu'elle exerce sur les voyageurs en quête de beauté et de joie de vivre, il faut entrer dans son dédale intime et mystique. Mais il est facile de s'y perdre, et encore plus simple de décider d'y rester... La beauté singulière de Séville résulte de trois mille ans d'histoire ponctués d'innombrables influences et rencontres, un composé de strates culturelles qui, au fil du temps, se sont mêlées et fondues pour tisser une riche étoffe texturée - l'identité sévillane, encore aujourd'hui unique au monde. Mais l'on comprend mieux cette ville lorsqu'on la considère comme l'aboutissement d'une longue lignée de versions différentes, chacune ayant sa propre définition de ce qui est sévillan. Prises ensemble, ces Séville du passé donnent à celle d'aujourd'hui la pulsion fondamentale qui fait battre son coeur : les Phéniciens, qui la connaissaient sous le nom d'Ispal quand elle n'était guère plus qu'un village de maisons sur pilons au bord du fleuve, étaient des Sévillans ; les Romains, qui fondèrent la ville légendaire d'Hispalis sur les rives du fleuve (celle qui vit naître Trajan et Hadrien), étaient des Sévillans ; et les Maures qui, des siècles plus tard, l'appelèrent Isbiliya, traçant leurs courbes sentiers par-dessus les plans rectilignes des villes romaines, embellissant le ciel de la cité de voûtes et de minarets (dont l'étonnant Alcázar), étaient aussi des Sévillans... Puis vinrent les chrétiens et les juifs, et les divers peuples qui ont fait de la ville leur patrie durant les siècles suivants, façonnant les traditions, les valeurs et l'esprit qui font qu'aujourd'hui les Sévillans sont uniques au monde. La saga de cette ville est presque aussi riche que son histoire. C'est une formidable légende incarnée par une longue distribution de personnages emmenée par Figaro, Carmen et Don Juan ; Hercule lui-même y fait une apparition, car c'est au voyage de ce héros (jusqu'à l'Atlantique et à travers le détroit de Gibraltar) que l'on fait remonter la création d'Ispal. Bien sûr, la ville est également riche en «légendes» bien réelles : ses toreros, héros nationaux (comme Belmonte, Curro Romero et Manolo Vázquez), ses danseurs, poètes et chanteurs, ses grands artistes (notamment Diego Velázquez et Bartolomé Esteban Munllo), et son élite contemporaine (dont la duchesse d'Albe ainsi que l'équipe de stylistes Victono y Lucchino). Pour bien des personnes qui viennent à Séville, cependant, c'est la culture spécifique de la ville qui se révèle la plus séduisante : ses fêtes et ses traditions, de la Semaine sainte à la Feria, que l'on ne retrouve nulle part ailleurs ; sa scène de flamenco bouillonnante ; ses monuments emblématiques, comme la colossale cathédrale et l'élégante casa de Pilatos ; ses rues sinueuses, bruissantes de secrets ; et, bien sûr, la joie de vivre de ses habitants ! Car ce qui rend plus que tout Séville inoubliable, c'est peut-être cette énergie particulière et l'esprit de son peuple. Les Sévillans ont, en effet, un style de vie bien à eux, considérant la détente comme sacrée et les plaisirs terrestres comme devant être pleinement satisfaits. Ici, le temps semble parfois passer plus lentement. Ou peut-être est-ce seulement que les Sévillans savent tirer parti de chaque instant ? Chaque nuit est l'occasion d'une fête impromptue avec des amis dans les rues pavées ; chaque après-midi de soleil offre la possibilité de tapear («sortir manger des tapas avec des amis») sur les rives du Guadalquivir... Pour les Sévillans, la vie a une musique particulière, un tempo incontestablement sévillan qui donne son rythme au coeur collectif de la cité. Ils imprègnent la ville de leurs rires, de leurs traditions, d'une symphonie bien à eux. Ils manifestent une joie de vivre toute spéciale, après laquelle les visiteurs ne peuvent s'empêcher de soupirer, longtemps après être rentrés chez eux.



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EAN
9782759406364
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