Les venins de la Cour

Hann Karin

DU ROCHER

Avant-propos

Le XVIIe siècle est, pour un romancier, d'une richesse incroyable. A partir de 1661, alors que meurt Mazarin, s'installe la monarchie absolue. Si la période du règne de Louis XIV est politiquement stable, elle renferme aussi de nombreux secrets, inhérents à cette volonté de contrôle qui s'empare de l'État. Il y a, dans ces silences, des trésors romanesques que l'on rêve de mettre en scène. Après avoir exploré les dessous de la chute spectaculaire du surintendant des Finances Nicolas Fouquet, visité les archives de son procès truqué, rencontré le Masque de fer, enterré Anne d'Autriche et assisté au commencement de la construction de Versailles dans Althéa ou la Colère d'un roi, il me semblait incontournable de poursuivre ce voyage vers l'une des plus stupéfiantes enquêtes criminelles de tous les temps, celle qui marque une charnière importante du règne du Roi-Soleil et qui fut à l'origine de l'organisation de la police et de la chute de la grande favorite du roi: l'affaire des poisons.
Si Louis XIV revenait parmi nous aujourd'hui, il serait probablement effaré de découvrir que nous sommes tellement au fait de ce qui s'est passé, que nous disposons d'une quantité impressionnante d'archives, de témoignages et de documents, lui qui avait tant souhaité les faire disparaître. Conscient de l'incroyable scandale que ne manquerait pas de provoquer cette affaire en son temps, mais aussi du préjudice énorme porté à l'image de son règne, au regard de la postérité, le grand roi n'avait en effet pas hésité à détruire des preuves accablantes mettant en cause les gens de son entourage. En vain.
Il ignorait qu'il existât des copies de ces pièces, à partir desquelles les historiens des siècles futurs seraient à même de reconstituer les faits et d'en comprendre les rouages. Bien sûr, quelques zones d'ombre subsistent encore sur cette affaire, mais l'histoire est une discipline en mouvement. Il suffit de vieilles lettres retrouvées dans un grenier oublié, d'une vente aux enchères d'héritiers désargentés, d'un manuscrit exhumé des archives d'une grande bibliothèque pour qu'apparaissent des éclaircissements, des réponses, des dénouements. Le voile se lève alors sur certains secrets, mais appelle aussi parfois de nouvelles questions...
Au sujet de l'affaire des poisons en particulier, Mme de Sévigné est une source inépuisable de renseignements, tant elle tient dans ses lettres, avec un sens du détail peu commun, la chronique du règne pour sa fille, Mme de Grignan. Plus près de nous, Claude Quétel a également nourri mes recherches; mais je tiens surtout à remercier Jean-Christian Petitfils pour tous ses livres, sur Fouquet, sur Mme de Montespan et sur l'affaire des poisons elle-même, qui sont une mine extraordinaire d'informations et ont fortement inspiré ces pages.

Tous les faits historiques relatés dans les Venins de la Cour sont réels. Ce roman est une mise en musique de toutes les notes relevées dans les ouvrages cités.
Une attention particulière a été portée aux détails qui marquent l'époque invoquée: les toilettes, les mets, les usages, mais aussi les lieux. Je souhaite préciser que les descriptions de Clagny, le domaine jouxtant Versailles de Mme de Montespan, ou bien de Saint-Germain, son château Neuf notamment, s'appuient sur les maquettes de ces trésors disparus, reconstituées à partir de tous les dessins, plans et croquis dont nous disposons.
Plus que jamais l'affaire des poisons met en évidence les contrastes du Grand Siècle, celui des génies de la peinture, de la sculpture, de l'architecture, de la littérature et du théâtre, le siècle de la domination politique de la France en Europe et de son rayonnement culturel, mais aussi celui de l'obscurantisme, du crime et de la noirceur, où l'oisiveté d'une noblesse asservie et désoeuvrée pouvait mener au pire. Et lorsqu'on explore cette période incroyable du règne du Roi-Soleil, on songe à la constatation des frères Goncourt, deux siècles plus tard: «L'Histoire est un roman qui a été»!

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EAN
9782268075266
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