Fils de Nice

Estrosi Christian

DU ROCHER

Quarante ans. Les mots de ce livre, cela fait quarante ans que je les porte en moi. Et aujourd'hui, finalement, je vous les livre, comme ça, comme ils me viennent, comme ils tournent dans ma tête et dans mon coeur depuis mon adolescence. Et ces mots n'ont qu'un objet: Nice, ma ville.
Pourquoi maintenant? Depuis mon entrée dans la vie politique, je n'ai cessé d'en dire, des mots. Le verbe, c'est le premier outil de la vie publique, la première concrétisation de la pensée, qui donne forme à l'action comme le vase donne forme à l'eau. Les mots de l'action politique naissent d'une conviction. Ils viennent éclairer, rassembler, convaincre. Ils ont une force équivalant à un acte. Il faut les manier avec précaution, car ils blessent, et parfois tuent, sur une échelle terrible. J'aime cette oeuvre de Ben, qui est aujourd'hui dans mon bureau et qui résume parfaitement ces mots de ma vie politique: une toile carrée, grande, rouge, un rouge violent; de cette écriture unique, qui fait création, douze mots, douze seulement, «Je dis ce que je fais, je fais ce que je dis.» Ces douze mots-là, je les ai faits miens il y a bien longtemps. Ce sont les mots de mon action politique.
Dans d'autres livres, à d'autres moments de ma vie, vous avez pu lire ces mots d'action.
Mais dans les pages qui suivent, ce sont d'autres mots que j'ai voulu vous dire. Peut-être parce qu'avec le temps, j'ai eu envie de retrouver les fondements même de mon action. Peut-être aussi parce que le jour où les Niçoises et les Niçois m'ont conféré l'immense honneur de prendre hautement ma part du destin commun, j'ai ressenti le besoin de comprendre le sentiment si fort qui m'a envahi, ici, dans ce bureau vénérable, à l'aspect légèrement suranné, plein de souvenirs, les miens et ceux d'un siècle et demi (ou presque) d'histoire de Nice. Des victoires, dans ma vie politique, j'en ai célébré souvent. Des défaites, j'en ai connu, aussi et heureusement, car elles portent des leçons. Mais cette victoire-là, celle du 21 mars 2008, elle a été particulière. Unique.
Ce jour-là, il y eut une majorité de Niçois pour me dire leur confiance. Ce jour-là, dans tous les quartiers, il y eut des femmes et des hommes, de tous âges, de toutes conditions, de toutes origines, pour me confier le sort de Nice, notre bien commun, notre république, au sens latin du terme. Ce jour-là, ils me donnèrent, à mon équipe et à moi, les moyens de répondre aux défis de notre temps, pour que Nice, en changeant, demeure fidèle à elle-même. Ce jour-là, aussi, ils suscitèrent en moi le désir de comprendre ce qui m'unit, ce qui nous unit tous, à Nice.
Ce désir est venu, ce jour-là. Parce que jusqu'alors, comme pour beaucoup d'entre nous, Nice était une évidence. Appartenir à un lieu, une terre, un village, une ville, ce n'est pas seulement y naître. Je connais nombre de gens qui sont nés quelque part et qui ont élu une patrie d'adoption, ailleurs. Une patrie, c'est toujours un choix. Enfant, on ne connaît de son lieu de naissance que quelques lieux, une rue, une place, le chemin de l'école. Puis on l'élargit, lentement, au gré des sorties chez les amis, dans la famille, pour de grandes occasions. Progressivement, ainsi, on prend la mesure de son village ou de sa ville. C'est alors, avec l'adolescence et les premières affirmations, qu'on les fait siens, ou non. Et ce choix même n'a pas une intensité égale pour tous.

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EAN
9782268075297
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