Le peuple de la mer

Elder Marc

MARIVOLE

La barqueNeuf heures sonnaient au timbre fêlé de l'église quand Urbain Coët sortit de chez Goustan. Sur le seuil, que la lampe teinta de lumière rouge, le vieux Mathieu l'assura de nouveau en lui serrant la main:- Et tu seras content, mon gars, ta barque sera belle!Urbain partit, emporté doucement, comme à la voile, par son coeur et roulant dans le bonheur. Ses galoches fouettaient le pavage inégal du quai, dominé de mâtures à demi effacées par la nuit. Il savait que sa barque reposait là-bas de l'autre côté du port, sous un hangar indistinct, mais vers lequel il regarda par habitude et par plaisir.Il crut rêver et s'arrêta court. Une lueur a fulguré dans les ténèbres et l'eau lui apporte un craquement de planches, un froissement de copeaux. D'instinct, il s'immobilise, en arrêt, sondant la nuit de tous ses sens. Et il devine les mouvements d'une ombre sous l'enclos du chantier.Silencieusement Urbain tire ses galoches, se trousse et descend à la yole qui flotte au bas de l'escalier. Il déborde sans bruit, glisse à coups étouffés de godille, accoste. Mais à peine arrive-t-il au coin du baraquement qu'une flambée lui brûle les yeux.D'un saut, Coët tombe sur un homme accroupi, l'enlève et d'un effort énorme le culbute en plein port. Un choc sur la mer. Coët s'est jeté vers le feu qu'il étouffe sous sa vareuse, sous ses pieds, follement. Les flammes s'affaissent, s'écrasent, et il poursuit, le béret au poing, celles qui rampent.D'un lougre une voix hèle à trois reprises. L'eau claque sous les coupes hâtives d'un nageur. Urbain tâte avec soin le sol autour de lui, étreint des braises, écoute. La nuit est immobile comme un bloc que le feu tournant du Pilier tranche ainsi qu'une lame.(...)

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EAN
9782365750202
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