Noirs jasmins

Djabali Hawa

DIFFERENCE

L'HORLOGERIEAlgérie, an 2000 de l'ère chrétienne romaine.Colombes amères, qui survolez les oasis brûlées de sel, les torrents absents aux lits pleins de braises, survivez.Dans l'incessant froissement des carrosseries, dans le flot des puanteurs, dans ce monde qui s'enfonce sur son goudron qui fond, des ruines immenses se dressent, des mains tremblantes caressent des tombeaux, des corps épuisés échouent sur les tapis des mosquées pour de courts sommeils entrecoupés du vide de la réalité.Damas, grise et terrible, Amman riche et désolée, Marrakech qui tombe en morceaux dans le puits sec des oublis ancestraux, Alger dont il ne reste rien qu'un peu de chaux sur des blessures vives, Tunis qui s'anonyme, Le Caire qui perd le souffle, Baghdad, pillée, menée à la guerre civile: un demi-siècle, sans un frisson, a vidé le passé du monde. Il faudra, un jour, vous réinventer. L'ombre guerrière de vos remparts ne retiendra ni eau ni âme, villes arabes aux noms démesurés.La treille côtoie la tôle, l'hospitalité le dispute à la crapulerie, le jasmin l'emporte parfois sur l'égout éventré, sur le marché souillé: il nous souvient des roses.Des débris de tentes nomades envahissent les palais citadins, au grand plaisir des barbares de l'ouest qui ont tant de mal à se déchausser. Plus de vie aux terrasses, ou presque, les gens n'y dorment plus: les étoiles se sont-elles éloignées?Plus ardentes les roches quand meurent les palmiers, plus sévère le vent quand le désert avance, enfants d'un siècle désolé, les protestations se sont tues, nous sommes d'un monde de silence.Et c'est le temps, au désert, des pendules musicales. Certaines donnent, chaque heure, à la réprobation générale, le ton et le début de l'appel à la prière, pendant que d'autres alternent, au cours de la journée, les rengaines de ruisseau avec des morceaux types de musique classique occidentale japonisée. Comme les couples vivent chez leurs parents, plusieurs pendules, évidemment réglées différemment, se réveillent en cascade mais il arrive, par pure coïncidence, que deux d'entre elles donnent la même heure, au même moment, et que l'appel à la prière, asiatique et nasillard, se tamponne avec un petit air, un petit peu vieux, du Far West («Mon cow-boy adoré» ou «Il était venu de l'Oklahoma», par exemple). Les Japonais, responsables de ce massacre du sens et de l'esthétique, n'en ont rien à faire et les Sahariens écoutent ça dans la plus totale indifférence.C'est le temps des vomissures culturelles, le temps de l'extraction du suc abject des plus stupides traditions, le temps du parpaing, de la télé parabole étasunienne qu'on ne comprend ni en arabe ni en français (les films de violence mettent tout le monde d'accord).

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EAN
9782729120207
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