Journal pétersbourgeois

Babel Isaac - Benech Sophie

INTERFERENCES







Extrait

Extrait de l'avant-propos Lorsqu'Isaac Babel écrit les chroniques rassemblées ici sous le titre Journal pétersbourgeois, il a une vingtaine d'années. Après avoir terminé des études de commerce à Kiev, où il a rencontré sa future femme Evguénia Gronfein et publié un premier récit, «Le vieux Schloïme», il est parti en 1915 pour Petrograd (Saint-Pétersbourg sonnant trop allemand en ces temps de guerre, la ville a été rebaptisée d'un nom plus russe) et s'est inscrit en faculté de droit afin d'obtenir l'autorisation de résider dans la capitale. Mais ces études ne sont qu'un prétexte, car il sait déjà qu'il veut être écrivain. Sa rencontre avec Gorki est décisive. Ce dernier, impressionné par son talent, fait aussitôt paraître dans sa revue Les Annales deux récits, «Eiya Isaakovitch et Margarita Prokofievna», et «Maman, Rimma et Alla». «C'est à cette époque, raconte Babel lui-même, que j'ai commencé à porter mes oeuvres d'une rédaction à l'autre, mais on me chassait de partout, tous les rédacteurs (...) me conseillaient de chercher du travail dans une boutique (...) Je ne les ai pas écoutés et, à la fin de l'année 1916, je me suis retrouvé chez Gorki. (...) Gorki m'a fait entrer dans son bureau. Les mots qu'il a prononcés là ont décidé de mon destin. " Il existe des petits clous, a-t-il dit, et il en existe de gros, de la taille de mon doigt. (Il a approché de mes yeux un long doigt vigoureux et délicatement modelé.) Le chemin de l'écrivain, cher pistôlet (avec l'accent sur le o), est hérissé de clous, principalement de gros calibre. Vous allez devoir marcher dessus pieds nus, vous allez perdre pad mal de sang, et il en coulera de plus en plus chaque année... Vous êtes quelqu'un de faible, on va vous acheter et vous vendre, vous tirailler et vous endormir, et vous allez vous étioler après avoir fait semblant d'être un arbre en fleur. Pour un honnête homme, pour un écrivain et un révolutionnaire honnête, suivre cette voie est un immense honneur, et je vous donne ma bénédiction pour cette lourde tâche, monsieur... " «Je crois bien que je n'ai pas connu dans ma vie de moments plus importants que ces moments passés à la rédaction des Annales. En sortant de là, j'avais complètement perdu toute sensation physique de ma personne. Par un froid bleu et cuisant de moins trente, en proie à un véritable délire, j'ai couru le long des immenses et somptueux couloirs de la capitale ouverts dur les lointains d'un ciel sombre, et je suis redescendu sur terre après avoir laissé derrière moi les quartiers de Tchornaïa Retchka et de Novaïa Derevnia...» C'est aussi poursuivre le conseil de Gorki («Nous avons déterminé de façon évidente, monsieur, que vous ne savez rien du tout, mais que vous devinez beaucoup de choses... Par conséquent, allez donc voir le monde...»), qu'en 1920, il accompagnera la cavalerie rouge de Boudienny dans sa campagne de Pologne en tant que journaliste, une expérience qui servira de terreau à son chef-d'oeuvre, Cavalerie rouge Les années 1923, 1924 et 1925 seront celles où il publiera le plus, toujours des récits, car il affectionne la forme courte.



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EAN
9782909589282
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