L'hexamètre de Quintilien

Vix Elisa

ROUERGUE







Extrait



Lucie, 3e étage

J'écris le matin. Mes papiers, mais aussi des petits textes qui me viennent comme ça, mes «humeurs», des phrases musicales, des mots au charme désuet ou mystérieux que je jette sur l'écran comme des pierres précieuses dans une malle aux trésors. Gabegie, oecuménique, sibyllin... Tournebouler, faire du gringue ou le joli coeur... C'est ma gymnastique à moi, mon entraînement. J'aime jouer avec la langue.
Le matin, c'est le moment de la journée où je suis le plus opérationnelle. L'après-midi, je m'attelle aux corrections, je relance les rédac chefs, je fais des recherches sur Internet, enfin le genre de travail qui exige une concentration moins aiguë.
Parfois, quand un journal me commande un papier (jamais) ou quand j'ai une idée de sujet (rarement ; moins on bosse, moins on a envie de bosser, c'est la spirale infernale du chômage technique), je chausse mes tennis et pars en reportage. Ces sorties (à mes frais) se font donc exceptionnelles. Le disque dur de mon PC stocke déjà environ deux cents articles hyper originaux qui n'ont pas trouvé preneur. Ça devient lassant. Mon banquier trouve aussi.

En français, je suis pigiste ; en english, free lance.
Free lance est un joli terme issu de l'anglais médiéval et désignerait un chevalier indépendant de tout seigneur. Dans free lance, il y a free. Tout le monde m'envie ; je suis libre ! Je peux écrire ce que je veux, sur le sujet que je veux...
Viva la libertà. Que j'échangerais volontiers contre un CDI et des tickets resto.
La liberté, parfois, ça a comme un petit goût de disette.

Hier soir, après le journal télévisé, j'avais réglé mon réveil à 7 h 30, mais, comme d'habitude, je me suis réveillée avant son hurlement.
Sur ma nuisette, j'ai enfilé une robe de chambre en polaire, une paire de grosses chaussettes et mes chaussons lapin. On n'est qu'en novembre, mais ça commence à cailler. Un froid humide qui fait moisir les draps et vous transit toute la journée jusqu'à l'os. Les femmes sont plus frileuses que les hommes à cause de leur masse musculaire moins importante (ce sont les muscles qui produisent la chaleur). Je le sais, parce que j'ai fait un papier (toujours dans mon PC) sur les idées reçues homme/ femme et leurs fondements scientifiques. J'avais interviewé une professeure de l'hôpital Pompidou. Les femmes tiennent aussi moins bien l'alcool parce qu'elles ont plus de graisse... Tout ça, c'est la faute aux hormones, m'avait expliqué la professeure, une de ces femmes majuscules qui vous rendent fières de ne pas avoir de pénis, n'en déplaise à Mister Freud.



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EAN
9782812606526
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