Puzzle

Thilliez Franck

FLEUVE EDITIONS







Extrait



Toute l'équipe médicale qui suivait Lucas Chardon s'était réunie autour de son lit. Dès son réveil, on avait retiré les différentes électrodes de l'électro-encéphalogramme fichées sur son cuir chevelu. L'électrocardiogramme et les divers appareils encore reliés à son corps témoignaient d'un état parfaitement stable.
Le patient sanglé aux poignets et aux chevilles manifesta son exaspération.
- Je ne parlerai qu'à ma psychiatre. Les autres, sortez, s'il vous plaît.
La chambre d'hôpital se vida rapidement. Lucas Chardon essaya de redresser la tête mais en fut incapable.
- N'essayez pas, lui dit Sandy Cléor. L'épreuve a été longue et difficile, vos muscles vont avoir besoin de plusieurs jours de rééducation, peut-être même des semaines.
- Et heureusement, les sangles sont là pour m'empêcher de me faire mal, n'est-ce pas ?
La psychiatre s'assit au bord du lit et écarta la mèche châtaine qui masquait le regard de son patient. Pour une fois, cette belle femme aux courts cheveux bruns, d'à peine trente ans, était habillée en civil, débarrassée de cette blouse blanche trop officielle. Cet hôpital public se trouvait à une petite centaine de kilomètres de l'Unité pour Malades Difficiles où elle exerçait.
- Vous savez bien que nous ne pouvons pas faire autrement, Lucas.
- On peut toujours faire autrement.
- Comment vous sentez-vous ?
Le jeune homme tourna la tête vers la seule fenêtre de la chambre. Le ciel était chargé, menaçant. Ses yeux revinrent vers ceux, très bleus, de sa psychiatre.
- Combien de temps avez-vous essayé de me soigner avant mon arrivée ici, docteur Cléor ?
- Vous ne vous le rappelez pas ?
- Comment le pourrais-je ? Ne suis-je pas censé être fou ? Difficile, pour un fou, d'avoir des notions de réalité et de temps, non ?
Cléor ne répondit pas sur-le-champ. Pour une fois, le discours de son patient lui paraissait extrêmement clair et cohérent. Et non agressif
- Quatre mois. Vous êtes resté quatre mois à l'UMD... jusqu'à présent.
- Et vous jugiez les électrochocs vraiment nécessaires ? Vous rendez-vous compte de la douleur que vous m'avez infligée durant toutes ces semaines ? Savez-vous ce que ça fait de recevoir des centaines de volts dans l'organisme ? On a l'impression que les yeux vont vous sortir de la tête, que toutes vos veines vont exploser. Vraiment. E faudrait que vous essayiez, un jour, vous comprendriez. Les psys devraient toujours tester leurs traitements sur eux-mêmes avant de les faire subir aux autres.
Sandy Cléor observa brièvement les sangles qui immobilisaient son patient aux poignets. Il était capable d'agresser quelqu'un en une fraction de seconde. Il l'avait déjà fait, à maintes reprises. La psychose était une maladie perverse, destructrice. Les malades qui en étaient atteints souffraient de sévères hallucinations, d'idées délirantes, et vivaient la plupart du temps dans une réalité parallèle, ce qui rendait toute forme de traitement extrêmement délicate. D'autant plus que Lucas Chardon, paranoïaque même dans ses moments de lucidité, prenait toute tentative de soin ou d'approche du personnel pour une persécution ou une conspiration contre lui.



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EAN
9782265093577
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