Hollande le Bon

Saint-Honoré Dominique de

JC GAWSEWITCH

PrologueAvant que notre Nouveau Monarque, Son Altesse François le Hollandais - dit «le Débonnaire» -, accède au suprême trône, le royaume de France fut le théâtre d'étranges gesticulations pendant les cinq années où régna l'Ancien Potentat. Il y avait non seulement les siennes, puisqu'on eût dit que le corps de notre Ancien Souverain reproduisait, dans le mouvement désordonné de ses bras et de sa tête, les idées innombrables et pas toujours très heureuses dont il était le sujet, mais celles aussi de certains de nos concitoyens, un peu moins de la moitié de la France, qui n'avaient pas admis l'accession au trône de ce parvenu. Il faut avouer que notre homme, lequel avait pour le moins d'étranges façons, était fort doué pour accroître les inimitiés.Un de nos plus illustres confrères, le scribe Patrick Rambaud, redouté pour ses saillies verbales et son ironie mordante, avait en ce temps-là pris la tête de la fronde. Ce scribe, connu pour la liberté de sa pensée et ses fréquentations douteuses - il avait frayé un temps avec des anarchistes du royaume réunis sous la bannière de la gazette Actuel -, n'avait point trop aimé les manières de notre Souverain Nicolas. En fait, il les avait détestées. Quoi que l'Ancien Potentat pût faire, et il fit beaucoup (déclarations innombrables et prises de décisions hasardeuses) car l'énergie de notre Monarque était considérable, c'était toujours exécrable pour le scribe Rambaud, lequel en contracta une urticaire. En manière de médication, Rambaud avait pris comme sacerdoce de dresser la chronique du règne de ce Surprenant Monarque. Toutes affaires cessantes, pendant cinq années où il s'esquinta la santé à observer les moindres faits et gestes de notre Souverain Nicolas Ier, il l'accabla de ses sarcasmes et de son acrimonie. Si le scribe, dont la raison avait faibli à force de se dévouer à son ouvrage qu'il considérait comme un devoir moral, n'avait pas toujours tort, il faut avouer qu'il n'avait pas non plus toujours raison. Puisque la passion qui l'attachait à l'objet de sa réprobation inclinait son jugement vers trop de sévérité. M. Rambaud n'eut pas, pour son plus grand plaisir, à renouveler ses sarcasmes cinq années supplémentaires car, comme chacun le sait, l'Ancien Potentat fut vaincu par la placidité et les anaphores de notre Nouveau Souverain.Certes, sous cette nouvelle présidence annoncée comme paisible, la tentation eût été grande de renoncer à la critique et à la raillerie. Lecteurs, vous n'êtes pas sans connaître notre illustre tradition qui toujours accompagne le règne de nos Monarques dans nos contrées françoises de quelques piques bien senties afin d'éviter au Prince de sombrer dans l'orgueil et le contentement. Dans l'exécution de son ouvrage, M. Rambaud avait eu la tâche facile grâce aux agitations de l'Ancien Potentat; il semble qu'il en sera tout autrement pour le nôtre. Mais quand bien même l'exercice apparaîtrait comme un pensum ridicule, votre serviteur, tel ce fourbe de Scapin, sans complaisance aucune, s'acquittera ici de sa tâche et croquera comme il se doit notre Prince François - et tous ses équipages -, lequel avait surpris son monde en déclarant pour seule ambition de se vouloir un Monarque Très Normal.

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EAN
9782350133911
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