Le Wagon

Rykner Arnaud

ACTES SUD

Le 2 juillet 1944 est parti de Compiègne un des derniers trains de déportés.
Le dernier train de Compiègne à Dachau.
Mais il y eut encore des trains de la France vers les camps tout au long de l'été. Très longtemps, et jusqu'au début de l'automne, bien après le débarquement de Normandie, bien après la libération de Paris. Aussi incroyable que cela paraisse.
Dans ce train-ci, de vingt-deux wagons, complétés des wagons d'escorte et d'un wagon de queue, avaient été entassés deux mille cent soixante-six hommes, arrêtés par la police française ou par la Gestapo.
Beaucoup étaient des résistants. Pas tous. Certains étaient des collaborateurs, certains des délateurs. D'autres n'étaient rien. Ils avaient eu seulement le tort d'être un jour à un endroit précis où il aurait fallu n'avoir jamais été.
Pour accomplir un trajet de vingt-quatre heures en temps normal, le convoi 7909 mit plus de trois jours, par une chaleur accablante, dans des régions où l'on enregistra les températures les plus élevées de la période. Les conditions furent telles que soixante-dix-sept heures après son départ, on compta cinq cent trente-six cadavres - ce qui ne laissait plus au camp que mille six cent trente rescapés provisoires, dont beaucoup encore allaient périr sans revoir la France.
La grande majorité des survivants ne témoignera pas pendant des années.
Jusqu'à ce qu'un historien vienne les solliciter, les oblige presque à parler. Les aide à parler de ce train tellement incroyable qu'on l'appela, comme dans un mauvais film de série B, «Le train de la mort».
Parmi ceux qui ont parlé, il semblerait que la plupart n'ait laissé ensuite que peu de pages écrites. Beaucoup se sont tus définitivement. N'ont rien dit de plus que les quelques mots qui leur étaient demandés sur cette chose-là, pour ce livre-là.

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EAN
9782330022815
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