Voyage d'un gourmet à Paris

Ribaut Jean-Claude

CALMANN-LEVY







Extrait

Balade gourmande dans Paris Cette histoire commence à l'automne 1970 alors que j'achevais mes études d'architecture. Un de mes amis m'entraîna au Pactole, chez Jacques Manière, 44, boulevard Saint-Germain à Paris dans le Ve arrondissement. Sa cuisine fut une révélation, un choc. Le soir même j'y prenais place à nouveau en ayant sollicité l'autorisation d'apporter une bouteille de la-tâche 1966, offerte par un ami bourguignon qui avait ses entrées au domaine de la Romanée-Conti. Je n'avais aucune expérience gastronomique préalable, sinon celle d'une table familiale profuse où le poulet rôti du dimanche était quelquefois suivi d'un civet de garenne lors d'une grande occasion. Dix ans plus tard, le Moniteur des travaux publics et du bâtiment me confiait une rubrique gourmande pour égayer les pages magazine de cet hebdomadaire économique. Je signais chaque semaine un billet sous le pseudonyme Acratos, découvert à la lecture du festin en paroles de Jean-François Revel, qui - traduit du grec - signifie «celui qui ne met pas d'eau dans son vin». Commençait alors une quête des bonnes petites adresses à Paris et en région, au gré de mes activités et déplacements professionnels. En 1989, Jean-Pierre Quélin, qui dirigeait Le Monde sans visa, me sollicita pour assurer l'intérim de La Reynière, le chroniqueur gastronomique du journal Le Monde, qui était souffrant. Les choses s'organisèrent ; Quélin me confia une rubrique intermittente, «Entre-Mets», jusqu'au jour où Jacques Lesourne, directeur du journal, annonça dans Le Monde du 8 octobre 1993 la création d'un nouveau supplément, Le Monde temps libre, dont la rubrique gastronomie «sera confiée à Jean-Claude Ribaut, qui succède à La Reynière». N'ayant jamais rien demandé, et poursuivant mes activités d'architecte au sein d'un magazine dont j'assumais la direction de la rédaction, je pris cette charge «avec un souci maintenu d'indépendance, de qualité et de rigueur», selon les termes mêmes employés par lé patron du journal. Voilà comment j'ai découvert Paris, ses tables, ses chefs, petits et grands, et partagé avec beaucoup le sentiment que cette ville est un trésor. Tous ceux qui aiment Paris, son architecture, ses circuits, ses passages, dont les chemins ne se recoupent qu'aux lieux de l'amitié et de l'amour de la capitale, n'ont de cesse de courir d'un restaurant à l'autre. Le restaurant est le bon prétexte pour découvrir d'autres villes dans la ville, et pérégri-ner de quartier en quartier à la recherche tout à la fois d'une bouffée de vie que le centre réifié nous refuse, d'une société qui sait se coopter, d'une table aimable et familière, ou bien, les jours d'orgueil, de quelque maison grandiose. On laisse le temps s'y prélasser, les rêveries ou les conversations s'établir. À table, nos compatriotes parlent volontiers de cuisine. C'est à eux que s'adresse cet itinéraire gourmand, passé et présent, commencé avec la nouvelle cuisine à l'acmé des Trente Glorieuses, qui s'achève avec les derniers soubresauts de la cuisine moléculaire. Solliciter la curiosité du lecteur en renouvelant les approches - culturelles, littéraires, historiques, sociales - sans jamais perdre de vue l'indispensable gourmandise, c'est choisir de considérer la caillette de l'Ardèche sur un pied d'égalité avec la cuisine minimaliste d'une nouvelle génération de cuisiniers. Il fallait dans le même temps rappeler que Paris a donné naissance aux restaurants, et esquisser par petites touches une histoire de la gastronomie parisienne. J'ai choisi de rapporter cet itinéraire gourmand dans le Paris d'hier et d'aujourd'hui en procédant par groupement de quartiers, afin d'enjamber les bornages administratifs et porter le regard sur une dizaine d'ensembles urbains cohérents. Après tout, la loi de 1795 qui créa les arrondissements municipaux n'en comptait pas plus de douze à Paris. Cela m'a permis de construire mon intrigue comme autrefois le poète Pierre Béarn dans son Paris Gourmand, sans les contraintes d'un guide, sans hiérarchie culinaire ni chronologie imposée. Ce parti de raconter la table parisienne en discontinu explique mon choix, certes discutable, de mêler recettes, concepts, anecdotes, portraits de cuisiniers de différentes époques, tout à la fois fragments d'un discours gastronomique et chronique du temps qui passe.



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EAN
9782702143094
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